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Full text of "Vouloir 10"

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L'EUROPE 
AUX 
EUROPEENS 



BRISONS LES 
CHAINES DE YALTA ! 




SUPPLEMENT A LA REVUE ORIENTATIONS Numéro 10 Novembre 1984 



Le néo-libéralisme, pâle copie du libéra- 
lisme historique, est à la mode. 

Après les tristes expériences de l'écono- 
mie (mal) dirigée de la social-démocra- 
tie ou la débâcle économique du socia- 
lisme des Pays de l'Est, une quantité 
d'économistes, de pseudo-vulgarisateurs, 
de journalistes plus ou moins dans le 
vent ne jurent plus que par la panacée : 
"le libéralisme". Chaque hebdomadaire, 
du Point parisien au Pourquoi Pas? bruxel- 
lois, du Vif au Nouvel Obs', a annoncé 
et commenté la venue du messianisme 
nouveau. 

Les yeux braqués vers les USA (vieille 
et mauvaise habitude), nos demi-écono- 
mistes dem i -journalistes, incapables 
de différencier l'Amérique de l'Europe 
chantent les mérites, les réussites des 
"reaganomics". Pourtant, si les remèdes 
américains ont donné un coup de fouet 
indiscutable à l'économie d'outre-Atlanti- 
que, rien ne peut faire croire qu'il en 
serait de même pour une Europe balkani- 
sée, mutilée, pressurée tant à l'Est qu'à 
l'Ouest. 

Posons-nous quelques questions préalables 
à ce propos. 

1 . 

Tout d'abord, les Etats-Unis de REAGAN, 
de NIXON et même de CARTER sont- 
ils "libéraux" ? Peut-on qualifier de "libé- 
rale" une nation protectionniste se défen- 
dant systématiquement contre les concur- 
rents étrangers, actifs en de nombreux 
domaines où leurs productions pourraient 
être mises en cause ?... Et, de leur point 
de vue, ils ont indiscutablement raison. 

2 . 

Ensuite, deuxième question, peut-on 
comparer un immense territoire uni 
à une Europe morcelée par les guerres 
civiles intereuropéennes et par l'assassi- 
nat prémédité à Téhéran, à Yalta et 
à Potsdam. L'empire yankee est peuplé 
de non enracinés, d'immigrants de date 
récente ou plus ancienne qui ont pérégriné 
d'Est en Ouest, de Septentrion en Midi 
selon leurs intérêts et l'appât du gain. 
Les Américains qui n'adhèrent pas à 
la mobilité fébrile de la civilisation yan- 
kee, forment le plus souvent des ghettos 
où la misère est insoutenable et où la 
délinquance est pléthorique (Cf. Vance 
PACKARD, A Nation of Strangers, New 
York, 1972). En Europe, tout au contraire, 
pas de population erratique, le sol des 
aïeux est primordial et les intérêts, 
même néfastes au voisin, priment. Nous 
en voulons pour preuve économique les 
vignerons du Sud de la France qui s'en- 
têtent à produire des vins médiocres 
et n'acceptent pas la concurrence italienne 
ou espagnole, allant jusqu'à brûler des 
camions citernes qui amènent vers la 
France des vins meilleurs et moins chers. 
Et, pour rester dans le même domaine : 
les Ouest-Allemands qui interdisent par 
des normes méticuleuses l'entrée de 
bières étrangères. De tels exemples 
pullulent en Europe. Les Américains 
jugent la réalité selon d'autres critères, 
l'attachement au sol leur importe peu. 
Us vont et se fixent temporairement 



là où leur vie peut être meilleure, où 
le profit est maximal. Nos racines particu- 
larités sont, même inconsciemment, 
même à l'heure de l'arasement générali- 
sé des cultures populaires, extrêmement 
profondes. 

3. 

Enfin, les Etats-Unis ont ce très grand 
avantage d'avoir établi une constitution 
donnant des pouvoirs forts, quasi régaliens, 
au Président démocratiquement élu. 
Cette constitution s'appliquait à un pays 
où tout restait à forger, où des territoi- 
res en friche devaient être développés, 
où les immensités territoriales devaient 
être valorisées. Le peuple américain 
a donc d'emblée une chance inouïe : laisser 
à ses représentants élus (Chambre et 
Sénat) le droit de discuter (ou de discu- 
tailler) mais d'avoir un chef ne représen- 
tant d'ailleurs, en règle générale, que 
30% de la population, mais capable et 
autorisé à prendre des décisions immédia- 
tes, dans les grandes circonstances et 
sans interférences trop prononcées des 
politiciens. C'est en ce sens que Raymond 
ARON qualifiait les Etats-Unis de "Répu- 
blique impériale" (Cf. R. ARON, République 
Impériale. Les Etats-Unis dans le monde 
1945-1972, Calmann-Lévy, Paris, 1973). 




Les Américains semblent retrouver aujour- 
d'hui un esprit nationaliste ou plutôt 
national-mondialiste, comme le souligne 
avec justesse et pertinence Jacqueline 
GRAPIN dans son dernier et remarquable 
ouvrage Forteresse America (Grasset, 
Paris, 1984). Cet esprit, ils étaient en 
train de le perdre à la suite de l'aventure 
vietnamienne. La gifle que KHOMEINY 
infligea à CARTER a réveillé le républica- 
nisme impérial et national-mondialiste. 
Mais, nous autres Européens ne sommes 
pas Américains et les remèdes d'outre- 
Atlantique ne sont pas les nôtres. Leur 
libéralisme de façade, qu'admirent béate- 
ment journalistes et politiciens de droite, 
ne peut s'adapter en Europe. Nos néo- 
économistes ne veulent pas admettre 
que nous vivons sous la botte économique 
et militaire des USA, situation qui ne 
correspond nullement à l'optimum pacifi- 
que et idyllique dont rêvaient les pères 
fondateurs du libéralisme. Les néo-libéraux 
choisissent de revenir au vieux principe 
du "laissez-faire" dit libéral, option qui 



ne favorise finalement que la nation 
la plus développée, la plus riche du globe: 
hier l'Angleterre, aujourd'hui les Etats- 
Unis (Cf. Thierry MUDRY, Friedrich 
List : une alternative au libéralisme, 
in ORIENTATIONS n°5). Les adeptes 
naïfs du néo-libéralisme ne voient pas 
que cette politique, davantage libéral- 
marcantiliste que proprement libérale, 
ne pourra que mieux nous asservir aux 
grands groupes financiers et transnatio- 
naux, meilleurs instruments de la domina- 
tion des USA en Europe de l'Ouest ou 
en Amérique latine, continents démembrés 
et parcellisés par les intérêts petits- 
nationalistes, par les vues égoïstes de 
chacun, par les querelles économiques 
soigneusement entretenues lorsque cela 
s'avère nécessaire par le "Big Brother" 
d'outre-mer. 

Dans ces conditions, les meilleures inten- 
tions libérales ne peuvent mener qu'à 
l'anarchie qui disloquera davantage encore 
nos économies. N'ayons pas peur de le 
dire, nous préférons le mot de "libertés" 
à l'appellation incontrôlable de "libéra- 
lisme". Résolument nous préférons les 
libertés concrètes (le pluriel n'est pas 
innocent 1) aux mirages messianiques, 
marxistes-léninistes avant-hier, gauchistes 
hier ou néo-libéraux aujourd'hui. Un 
vrai "libéralisme" (c'est-à-dire un authen- 
tique libéral-mercantilisme) ne peut 
se concevoir, en Europe, que sous un 
ensemble de conditions absolument détermi- 
nantes : 

1) une Europe unie neutre, forte et armée, 
ne dépendant d'aucun bloc mais entrete- 
nant avec chacun de ces blocs des rela- 
tions d'égal à égal. 

2) une Europe qui se donnera un véritable 

gouvernement, géré par un chef respon- 
sable, pourvu de pouvoirs décisionnaires. 
Cette Europe restera démocratique et 
laissera à la population et à ses élus 
le droit et le devoir d'aménager la vie 

de leur région comme bon leur semble, 

tout en respectant les décisions prises 
par le gouvernement chargé de maintenir 
la position de l'Europe dans le concert 
des grands ensembles continentaux auto- 
centrés de demain. 

3) une Europe où les régions, entités 

concrètes, auront fait craquer le moule 
des vieilles nations à l'égoïsme désuet 
et au jacobinisme étriqué. 

4) une Europe dont les gouvernants auront 
un "projet", un pain global à courte, 
moyenne et longue échéance et une liberté 
de diriger sans avoir constamment des 
comptes à rendre à des "partitocrates", 
plus enclins à adhérer à un jeu de convic- 
tions stériles qu'à prendre des responsabi- 
lités concrètes. 

5) une Europe capable d'imiter à son 

profit l'impérialisme américain, une 
Europe qui facilitera l'action des agents 
économiques, des producteurs par rapport 



aux consommateurs passifs à l'intérieur 
mais qui sera nécessairement protection- 
niste à l'encontre des produits extra- 
européens. 

6) une Europe ouverte sur les Pays du 
Grand Nord et au bassin méditerranéen, 
s'étendant du Groenland et des Açores 
aux confins de l'Empire russe. 

7) une Europe sociale, humaine, à l'avan- 
cée des sciences ; une Europe revenue 
des mièvreries laxistes dont les jeunes 
générations ne veulent plus (pas plus 
que les jeunes électeurs de REAGAN) ; 
une Europe mettant en valeur son esprit 
d'unité, son sens de la communauté d'inté- 
rêts et de valeurs, de sa communauté 
de destin 

Dans un contexte comme celui-là, toutes 
les politiques économiques sont possibles 
et surtout rentables. C'est une politique 
des devoirs ET des droits et non celle, 
trop insidieusement prônée pour nous 
affaiblir, des droits uniquement, des 
seules revendications irresponsables. 

Les "libertés" ne peuvent donc se conce- 
voir qu'internes à une Europe forte, 
décisionnaire et libérée des blocs. 

Faudra-t-il dès lors attendre passivement 
que l'Europe se fasse, même au gré de 
puissances extérieures à son territoire ? 
Non 1 La passivité, la torpeur n'ont jamais 
rien résolu. Nous devons prendre notre 
destin en mains. Nous devons réformer 
nos partitocraties de fond en comble, 
partitocraties qui ont récemment et 
soudainement découvert les vertus du 
néo-libéralisme. Sinon, nous irons droit 
vers la fellahisation (SPENGLER 1), vers 
l'ère du vide, vers une main-mise toujours 
plus pesante des blocs voire, par un sur- 
saut pathologique et inutile des derniers 
instants (style LE PEN) vers une ou des 
dictatures nationalistes crispées dans 
chaque nation ou, encore, vers un condomi- 
nium franco-allemand, solution néo-carolin- 
gienne où la France sera tutrice et le 
reste réservoir de richesses et de chair 
à canons, appendices décoratifs. Solution 
qui restaure l'artifice napoléonien de 
la Confédération du Rhin, ce condominium 
franco-allemand hypothétique ne résoudra 
que très partiellement le problème euro- 
péen et pas du tout la question allemande. 
En outre, il évitera l'inclusion du monde 
slave à l'Europe des siècles à venir. 

Certes, il convient de nettoyer d'abord 
devant notre porte, de dépoussiérer nos 
pays, de remplacer la partitocratie néo- 
libérale par une démocratie directe et 
décisionnaire qui donnera la parole aux 
peuples et non à des "représentants" 
qui ne représentent que des partis qui, 
eux-mêmes, ne représentent plus rien, 
si ce n'est les intérêts d'un système 
abstrait dont les lois ne sont pas celles 
de la Vie. Créons donc des régimes authen- 
tiquement "populistes", prêts à s'unir 
avec d'autres régions européennes, elles- 
mêmes dégagées des régimes partitocra- 
tiques. 

Alors dès la réussite de cette symbiose, 
dès l'avènement d'une Europe forte, 
neutre (blockfrei 1), décidée et conscien- 
te deson destin, dès la libération de 
notre continent de ses démons internes 
et de ses oppresseurs externes, nous 
pourrons être tous de vrais champions 
de la "liberté", de toutes les "libertés". 

Jean E. van der TAELEN. 



VOCABULAIRE 



CONCEPTION-DU-MONDE 



"Ensemble des valeurs, des idées, des 
idéaux et des interprétations du réel, 
fédérés et organisés par un sens, implici- 
tes et explicites, affectifs et intellectuels, 
propres à une communauté, à un peuple, 
a un système idéologique ou religieux". 

Proche des vocables vue du monde et 
vision du monde, qui en désignent plutôt 
l'aspect affectif et intuitif, la conception- 
du-monde forme, de notre point de vue, 
le soubassement des cultures et des 
formes de civilisation. Lieu où agit l'in- 
conscient collectif, la conception-du- 
monde est directement influencée par 
la biologie et l'anthropologie du groupe 
qui la porte, et elle constitue, pour nous, 
la véritable infrastructure des institu- 
tions, du politique, de l'économie, etc... 
(et non pas l'inverse comme dans les 
schémas marxistes ou libéraux où elle 
n'est perçue que comme une superstructu- 
re). Une même conception-du-monde 
peut donner lieu à différentes idéologies, 
qui peuvent s'opposer, mais qui sont 
l'expression du même projet historique 
et social. Le concept de concept lon-du- 
monde permet donc de mettre en lumière 
la parenté fondamentale des idéologies 
occidentales, apparemment antagonistes, 
mais dont les postulats (individualisme 
et égalitarisme) sont communs. 

Deux conceptions-du-monde nous semblent 
s'affronter dans notre monde depuis 
bientôt deux millénaires : l'une, christiano- 
morphe, c'est-à-dire centrée autour 
de la sensibilité et de l'enseignement 
du judéo-christianisme, a donné lieu 
à toutes les idéologies égalitaires et 
fixistes aujourd'hui dominantes ; l'autre, 
d'origine indo-européenne, de sensibilité 
païenne, bien que politiquement et histori- 
quement censurée, s'est constamment 
exprimée dans la culture, la philosophie 
et l'art européens. 

Avec NIETZSCHE, elle a accédé à la 
formulation consciente. Nous en sommes 
aujourd'hui les héritiers sans en détenir 
le monopole puisque cette vision, perçue 
et traduite en mots dans l'oeuvre de 
NIETZSCHE, est présente dans l'incon- 
scient collectif. Notre rôle est d'en être 
l'incarnat ion- modèle et d'en tirer des 
idéologies qui pourront éventuellement 
un jour s'opposer en se complétant. 
D'en susciter des formes de culture. 
La chance et la force, en cette fin de 
siècle, de cette conception-du-monde 
est son adaptation à la modernité et 
à l'esprit scientifique qu'elle a d'ailleurs 
puissamment contribué à forger. 

VVVVVWWWWVWWV 



MET APOLITIQUE 



"Diffusion dans la mentalité collective 
et dans la société civile de valeurs et 
d'idées (ou d'idéologèmes) en excluant 
tout moyen ou toute visée politicienne, 
comme tout étiquettage politique, mais 
selon une visée de Grande Politique, 
c'est-à-dire de recherche d'un impact 
historique". 

La métapolitique se situe en dehors 



et au-dessus de la politique politicienne, 
laquelle est devenue théâtrale et ne 
constitue plus le lieu du politique. La 
stratégie métapolitique vise à diiffuser 
une conception-du-monde de sorte que 
les valeurs de cette dernière acquièrent 
dans l'histoire puissance et pouvoir à 
long terme. Cette stratégie est incompa- 
tible avec les ambitions bourgeoises 
de détenir le pouvoir, d'être "dans" le 
pouvoir à court terme. Polyvalente, 
le métapolitique doit s'adresser aux déci- 
deurs, aux médiateurs, aux diffuseurs 
de tous les courants de pensée, auxquels 
elle ne dévoile pas forcément l'ensemble 
de son discours. La métapolitique diffuse 
aussi bien une sensibilité qu'une doctrine ; 
elle se fait culturelle ou idéologique 
selon les circonstances. Sa caractéristique 
première, néanmoins, compte tenu de 
la sociologie actuelle du pouvoir culturel, 
est de "frapper à la tête", de refuser 
de se neutraliser dans le vulgaire et 
les médias de masse. Hauteur de vue, 
souplesse, efficacité pratique et dureté 
du "discours interne" (qui se distingue 
du discours externe, lequel ne trahit 
nullement le discours interne, mais n'en 
dit pas "tout" et en adapte la formulation) 
sont les quatre qualités de la stratégie 
métapolitique. Cette stratégie constitue, 
au plan de la méthode, notre choix fonda- 
mental. Elle est la base de notre action. 

^WWWWWWWWW 



LIBERTE 



"Faculté d'augmenter son pouvoir, de 
multiplier ses capacités d'action sur 
le réel et conquérir par là une autonomie 
sur les déterminismes, qu'ils soient généti- 
ques ou sociaux". 

Cette définition s'oppose à la conception 
individualiste et niveleuse de la liberté, 
qui la considère comme une licence passive, 
comme une absence de contrainte. Cette 
dernière conception de la liberté en 
est en fait l'exact opposé de la nôtre. 
Pour se libérer des déterminismes, l'hom- 
me a besoin au contraire de la discipli- 
ne d'une culture, c'est-à-dire de l'exercice 
d'une contrainte, à commencer par celle 
qu'il exerce sur lui-même par sa volonté. 
La conception libérale de la liberté est 
régressive : elle produit l'homme domesti- 
qué, involué que nous connaissons, qui 
abdique son autonomie au profit d'un 

système social paternaliste. La liberté 
n'est donc nullement un "droit" comme 
le voudrait la philosophie des droits 

de l'homme; elle est conquête . 

De ce fait, la "Liberté" comme absolu 
est un concept totalitaire qui ne recouvre 
pas de réalité. La liberté est plurielle 
(par exemple parlons des libertés politi- 
ques, comme autant de droits conquis, 
garantis pas la^ force et ayant des contre- 
parties). Génétiquement, l'homme naît 
dans un état de grande dépendance, 
mais sa déprogrammation, son ouverture 
au monde, en font un être virtuellement 
"libérable" ou virtuellement plus esclave 
encore qu'un animal. Plus est grande 

la liberté - c'est-à-dire l'éventail d'actes 
faisables par un homme à la suite d'un 
apprentissage culturel discipliné - plus 
importante est la contrainte subie. La 
liberté passe d'abord par la maîtrise 
de soi. Elle est donc, aussi bien en ce 

qui concerne les individus qu'en ce qui 
concerne les peuples, le privilège des 
forts. 




LA GRECE et LE DECLIN 




Le propre de la Grèce a toujours été 
de réfléchir, ou tout au moins de tenir 
un discours sur son "déclin”. Dans la 
mesure où l'âme grecque est la matrice 
de l'esprit européen, on ne s'étonnera 

pas que le propre de l'Europe et de sa 
pensée soit aussi de se pencher constam- 
ment sur l'idée de déclin, comme le 
rappelle Julien FREUND (1). 

Mais ce que j'aimerai dire ici, c'est 
que depuis que la Grèce vit, comme 

les autres pays développés, à l'heure 

de l'hédonisme - j'entends l'hédonisme 

marchand de la société de consommation 
de masse et non l'hédonisme païen de 
notre tradition - nous autres Grecs avons 
malheureusement cessé de nous poser 
la question du déclin. 

La gauche se contente de dénoncer l'exploi- 
tation économique subie par la Grèce, 
sa situation périphérique et les méfaits 
des multinationales. Quant à la droite, 
elle ne vise qu'à l'augmentation quantitati- 
ve du niveau de vie par l'intégration 
plus poussée de la Grèce au monde capi- 
taliste. Je me demande alors si le tout 
récent déclin, en Grèce, du discours 
sur le déclin, ne constitue finalement 
pas un signe inquiétant de déclin. Ce 
dernier fait ne dispense en tout cas 
nullement une nation comme la Grèce, 
l'Hellas, enracinée dans une aussi longue 
durée historique, de reprendre une ré- 
flexion sur le déclin. Il me semble qu'il 
est vital d'opérer ce retour. 

Mais qu'est-ce que la Grèce ? Elle peut 
être envisagée soit comme espace-patrie 
soit en tant que communauté physique 
du point de vue synchronique soit, diachro- 
niquement, comme un peuple englobant 
les vivants et les morts soit, enfin, comme 
Idée. Le déclin pour la Grèce pourrait 
alors résulter ou bien d'une perte d'identi- 
té ethno-culturelle ou bien d'une inadapta- 
tion aux circonstances extérieures (rap- 
pelons-nous la Cité antique qui cessa 
de représenter l'espace optimal) ou bien 
encore de la combinaison d'une perte 
d'identité et d'une inadaptation au monde 
extérieur. Ce dernier cas est fréquent 
dans le Tiers-Monde occidentalisé. Quant 
à la patrie-espace hellénique, ce qu'on 
appelle la catastrophe d'Asie Mineure 
de 1922 (2) a abouti à l'élimination de 
la présence physique et culturelle helléni- 
que qui a ainsi disparu de la côte orientale 
de la Méditerranée. Il s'agit, pour nous 
autres Grecs, d'un événement colossal 
puisqu'il a signifié l'extinction d'une 
présence deux ou trois fois millénaire. 



Envisageons à présent la "communauté 
hellénique", ce que nous appelons tradition- 
nellement en Grèce la "Nation" ou la 
"Race" (phili) c'est-à-dire le genos hellé- 
nique. Ceux qui privilégient la persistance 
de l'identité au détriment de l'adaptation 
défendent une conception insulaire de 
la Grèce. Cette dernière est alors regar- 
dée comme le pays d'une seule race, 
d'une seule langue, d'une seule religion, 
comme l'ensemble de toutes les choses 
spécifiques à la seule patrie hellénique. 
Dans cette perspective, même l'idée 
européenne, même l'intégration à l'Europe 
telle qu'elle est, pourraient constituer 
pour la Grèce un terrible danger aux 
yeux des tenants de cette conception 
héroïque et obsidionale de la communauté 
hellénique, conception néanmoins très 
fréquente ici et au demeurant assez 
justifiée. Il va sans dire qu'actuellement 
où l'espace, où les espaces optimaux 
ne sont plus ceux de l'Etat-Nation et 
surtout d'un petit Etat-Nation, cette 
vision des choses peut signifier, pour 
la Grèce, le déclin par étouffement, 
par inadaptation. 

De ce fait, qu'en est-il alors de la concep- 
tion européenne de la Grèce. La Grèce 
peut-elle et doit-elle faire partie de 
l'Europe ? Il faut avouer que les argu- 
ments avancés en faveur de l'intégration 
européenne de la Grèce, surtout par 
la droite libérale et technocratique, 
se limitent principalement à des raisons 
de pure économie. Or, il s'agit de savoir 
quelle est cette "Europe" dont ferait 
partie la Grèce. D'un côté on peut penser 
que la Grèce est proche ethno-culturelle- 
ment du reste de l'Europe et que cette 
dernière est fille de la Grèce, qu'elle 
plonge ses racines culturelles dans le 
passe grec. Dans ce cas, la Grèce, envisa- 
gée comme culture et idée, comme socle 
identitaire par les autres nations d'Europe, 
retrouverait, en rejoignant l'Europe ses 
propres "enfants". Comme Jason et les 
Argonautes, nous partirions à la recherche 
de notre Toison d'Or, l'Hellas, en nous 
intégrant physiquement et politiquement 
à l'Europe. Mais une telle hypothèse 
n'apparaît valable et pertinente que 
si l'Europe garde ce qui la constitue 
en propre, c'est-à-dire sa culture et 
son psychisme hellénique. Si tel n'était 
pas le cas, on assisterait au paradoxe 
tragique suivant : la Grèce, matrice spiri- 
tuelle de l'Europe, perdant son hellénité 
(c'est-à-dire au fond l'essence de l'européa- 
nité) en s'intégrant à l'Europe. Autrement 
dit, une Europe déshellénisée déseuropéani- 
serait la Grèce en l'accueillant '. Et 
c'est précisément ce qui risque de se 
produire si l'Europe, au lieu de s'envisa- 
ger comme européenne, c'est-à-dire 
comme héritière de la Grèce, s'envisa- 
geait en tant qu'Occident. 

Une Europe qui se considère d'abord 
comme "occidentale" en effet, se définit 
principalement par un profil économique 
et non par une culture, par des caracté- 
ristiques fluides destinées à être exportées 
et diffusées hors de l'Europe historique 
selon une logique universaliste. Dans 
ces conditions, la Grèce ne saurait se 
laisser "européaniser" sans risquer de 
subir un ethnocide ou un génocide. Il 
va sans dire que la conception "Europe=Oc- 
cident", c'est-à-dire l'interprétation 
de l'Europe comme simple espace occiden- 
tal, conduirait aussi cette dernière au 
Déclin, au déclin de l'identité. 

Un tel génocide culturel ne toucherait 
d'ailleurs pas exclusivement les nations 
historiques actuelles de l'Europe, comme 
la France, mais toutes les autres nations 



du monde absorbées par le système Europe- 
Occident. Euphorisées par le mirage 
économique de l'Europe-Occident, des 
nations dotées d'une tradition et d'une 
originalité puissantes risquent de se laisser 
intégrer à un tel ensemble et à y trouver 
le spectre de leur déclin. De ces mixtu- 
res exotiques et universalistes, tout 
le monde et toutes les communautés 
y perdent et seul le "Système" y gagne... 

Mais le mal n'est-il pas déjà en cours ? 
Y a-t-il encore place dans ce monde 
pour des nations à longue mémoire ? 
Il est possible d'enrayer le déclin identitai- 
re, mais cela suppose une lutte héroïque. 
L'exemple d'un tel héroïsme nous vient 
d'Israël. Aucun peuple n'est plus respecta- 
ble pour sa fidélité héroïque à son identité 
et à sa longue tradition culturelle et 
religieuse. La Grèce-en-tant-qu'Hellade 
(la Grèce-Hellas ou, mieux, l'Hellade) 
et Israël co-représentent deux exempla- 
rités, certes profondément différentes 
mais aussi profondément proches. L'Hella- 
de et Israël portent et cristallisent chacun 
deux philosophies, deux Idées, deux vues- 
du-monde, certes antithétiques entre 
elles, mais représentatives de deux Na- 
tions, de deux histoires, de deux destins 
d'une durée et d'une signification absolu- 
ment exceptionnelles. Selon Parsons, 
l'Hellade et Israël sont les deux seules 
"sociétés-matrices". La profondeur historia- 
le de l'hellénisme et du judaïsme en 
tant que les deux "solutions" proposées 
à l'humain, en tant que les deux formes 
sacrales et politiques entre lesquelles 
il faille choisir, témoigne de la pertinen- 
ce de cette remarque de Parsons. 

C'est bien pour cette raison que la Grèce- 
Hellas se doit à elle-même la même 
intensité de mobilisation et de vigilance 
pour écarter la menace du déclin identitai- 
re que celui dont a fait preuve Israël. 
Un tel effort ne peut être que bénéfi- 
que pour le monde et l'ensemble des peu- 
ples. Des nations fidèles à leur longue 
mémoire constituent des points d'ancrage 
et de ralliement, des bornes d'enracine- 
ment, des données stabilisatrices dans 
un monde par trop fluide et incertain, 
dans un monde trop mouvant. 

Que l'un -Israël - fixe par ses racines 
les sables du désert qui la limite et 
que l'autre - la Grèce-en-tant-qu'Hel- 
lade - par ses rocs dressés face aux 
lames de l'Egée apaise et dresse la mer 
qui l'entoure, cette mer qui est l'ultime 
frontière de l'Europe. 

Que le Dieu d'Israël veille sur son peuple, 
le peuple du désert, et que les dieux 
de la Grèce veillent sur leurs peuples, 
les peuples de la mer et de la forêt, 
les peuples d'Europe. Mais nos dieux 
n'accorderont protection à leurs peuples 
que s'ils ne préfèrent pas à leur appel 
celui de l'Occident. 

Jason HADJIDINAS. 

Recteur de l'Université d’Athènes . 

Ce texte est la communication finale 
d’un colloque tenu en octobre 1984 avec, 
pour thème y Le déclin . 



NOTES 



( 1 ) Julien FREUND 9 célèbre professeur 
de politologie à Strasbourg f vient de 
faire paraître aux Editions Sirey (Paris) 
un ouvrage intitulé La décadence . Cet 
ouvrage est distribué en Belgique par 
la librairie juridique Bruylant (Bruxelles). 

(2) Jason HADJIDINAS évoque ici la 
guerre gréco-turque de 1922-1923. 




4 




LES RACINES de la MODERNITE 



L'histoire de l'Europe se confond à l'histoi- 
re des maîtrises que ce continent n'a 
eu de cesse d'opposer à chaque défi, 
comme autant de déploiements nouveaux 
de son originalité et de son identité. 
Or, aujourd'hui, l'Europe est menacée 
dans sa substance, menacée dans les 
structures mêmes de son identité. L'Euro- 
pe risque désormais une modification 
fatale de son essence, de ces appartenan- 
ces organiques : l'Europe risque de ne 
plus être elle-même. L'Europe est mena- 
cée de déracinement. 

L'alternative de notre Nouvelle Ecole 
propose le réappropriement de nos origi- 
nes pour neutraliser la menace de déraci- 
nement, en même temps qu'elle tirera 
de ce fonds commun, de cette spécifici- 
té réveillée, la solution moderne de la 
crise qui secoue notre société. Cette 
affirmation nécessite, à cet endroit, 
une définition des notions de modernité 
et de crise. 



la modernité se confond à la poésie . 
Elle est pression sur l' Histoire en même 
temps que l'expression d'une solidarité . 



Toute tradition véhicule un substrat, 
une essence enracinée, qui traverse le 
temps et modèle le monde, immuable 
dans sa spécificité, identique dans ses 
structures mais perpétuellement nouvelle 
dans sa forme : la tradition véhicule un 
substrat qui change sans se modifier. 
Ce substrat constitue le legs organique, 
spécifique de chaque peuple et de chaque 
culture, la matrice écologique et biologi- 
que, originelle et originale de leur façon 
d'être-au-monde. Mais aussi le lieu mythi- 
que où s'entrelacent l'instinct du vouloir- 
être et la conscience du vouloir-faire 
dans la même volonté du devenir. Là 
est le lieu générique de leur volonté 
de puissance, lieu permissible de leur 
histoire et de leur complétude (Vollen- 
dung), lieu immémorial où se rejoignent 
le début et la fin, le passé et l'avenir 
car là est le lieu d'où saille l'origine 
par où se dévoile le monde et dont dépend 
le destin. HEIDEGGER dit : "Ce qui est 
à l'origine demeure toujours un à-venir, 
demeure constamment sous l'emprise 
de ce qui est à venir". Et encore î "Le 
passé est toujours avenir" ("Herkunft 
aber bleibt stets Zukunft''). Là est le 
lieu de la "puissance pré-formée" dont 
parle Ernst JüNGER, puissance virtuelle 
que l'action créatrice de l'homme "met 
en forme", à chaque génération, la faisant 
s'éclore dans une epiphanie de figures 
et d'idées, de structures et de concepts. 
De cette forme d’innovation, de ce buis- 
sonnement de puissance, de ce renouvelle- 
ment des énergies, de cette mobilisation 
permanente des volontés fondatrices, 
de la réactivation incessante de cette 
virtualité enfouie, immobile, dans le 
substrat organique d'un peuple, naît, 
précisément, le renouvellement, la re- 
création, c'est-à-dire l'originalité. De 
cette imbrication d'héritage, de forces 
et de métamorphose, naît, précisément, 
la ^ modernité, c'est-à-dire, en fait, la 
poésie quand on se souvient avec HôLDER- 
LIN, POUND, BENN et HEIDEGGER 
que toute poésie authentique est d'abord 
fondatrice, créatrice de la forme et 
de l'idée : "Ce qui demeure, les poètes 
le fondent" (HôLDERLIN). Nous l'appelle- 
rons modernité de consistance par oppo- 
sition à la modernité d'apparence que 
véhiculent certaines modes épisodiques 



ou certains snobismes. 

Toute modernité authentique est donc 
appelée à véhiculer une détermination 

nouvelle des valeurs, c'est-à-dire une 
épiphanie de puissance capable de mobili- 
ser un peuple sur l'axe d'une poussée 
créatrice qui imprime un sens nouveau 
à la vie. Toute modernité authentique 
est donc fondatrice d'une conception 
du monde et donnatrice de sens. Ce 
qui signifie que toute modernité authenti- 
que sera à la fois le lieu à l'intérieur 
duquel les hommes font l'Histoire et 

le lien par lequel les hommes, mobilisés 
à la réalisation d'un but commun, vont 
pouvoir se solidariser. A la pression qu'elle 
exerce sur l'Histoire et à l'expression 

communautaire qu'elle réinvente, on 
départagera la modernité de consistan- 

ce de la modernité d'apparence, la moder- 
nité authentique de la mode ou du sno- 
bisme. 



La modernité organique fonde un âge 
nouveau de la culture . 



A l'intérieur de la perspective existentia- 
liste, nominaliste et différencialiste 
où nous nous situons, il ressort que la 
modernité de consistance sera organique 
ou ne sera pas. Nous savons, en effet, 
que de tout enracinement saille un hérita- 
ge en perpétuel devenir. Ce qui signifie 
que plus une modernité se rattachera 
à un héritage, plus elle maximalisera 
son authenticité et son originalité. Allons 
plus loin : la modernité organique ne 
modifie pas le substrat, l'essence enraci- 
née qui véhicule l'état d'esprit d'un peu- 
ple, son approche et son interprétation 
mentale des forces vitales, naturelles, 
cosmogoniques, c'est-à-dire sa façon 
caractéristique de s'immerger dans le 
monde ou de le refuser, de le dominer 
ou de s'y soumettre, de le sacraliser 
ou de le relativiser. En ce qui nous concer- 
ne, il s'agit de l'état d'esprit indo-euro- 
péen, que nous sommes libres de renier 
mais que nous ne pouvons pas nier parce 
qu'il nous fonde dans le monde et dans 
l'Histoire. 

Cet esprit est enraciné dans la volonté 
de puissance, esprit faustien qui sublime 
le risque et dont nous retrouvons le fil 
conducteur, ininterrompu malgré l'acci- 
dent idéologique du christianisme, depuis 
les premières manifestations culturelles 
des Indo-Européens, manifestations promé- 
théennes par essence, jusqu'à la conquête 
actuelle du cosmos. C'est cet état d'esprit, 
identique à lui-même à travers tous 
les bouleversements de l'Histoire, des 
choix politiques opposés, qu'il s'agit, 
aujourd'hui, de tenir éveillé. Cet esprit 
qui replonge la vie dans l'immanence, 
c'est l'esprit de l'être-dans-le-monde 
(In-der-Welt-Sein) pour employer le langa- 
ge d'HEIDEGGER. La modernité consiste 
a assumer cet héritage - donc cet es- 
prit - en le sublimant, c'est-à-dire en 
s'y reliant dans le moment même où 
elle le dépasse en réinventant une forme, 
un ordre, une structuration, dans le mo- 
ment même où elle re-crée une table 
des valeurs qui ré-adapte, qui ré-installe 
l'homme dans son nouveau destin. La 
modernité organique annihile par consé- 
quent jusqu'à l'idée d'un quelconque 
repli sur le passé, d'un quelconque mouve- 
ment de réaction qui retourne au passé 
chercher la sécurité des anciennes va- 
leurs parce que manque le courage d'en 



fonder de nouvelles. La modernité organi- 
que crée, par définition, un âge nouveau 
de la culture sur la base de valeurs d'au- 
tant plus révolutionnaires qu'elle les 
ré-enfonce dans la matrice qui les détient 
et les possibilise : la sensibilité primor- 
diale, l'état d'esprit originel d'un peuple, 
cet héritage indissociable de son identi- 
té, ce devenir à l'état de latence dont 

la modernité, précisément, permet le 
déploiement quand elle assume le risque 
de dépasser une époque pour ré-accom- 
plir le destin, c'est-à-dire en re-créant 

aux hommes un lieu de la pensée, un 
champ des valeurs, un projet communau- 
taire nouveaux qui leur permettent de 
se ré-immerger dans l'Histoire. La moderni- 
té organique défriche donc des sentiers 
à l’intérieur d'un terroir qui, lui, ne 
change pas. 

A l'inverse, une modernité inorganique, 
que nous dirons de rupture, se révèle 
toujours incapable de mobiliser durable- 
ment un peuple sur l'axe d'une idée et 
d'une forme qui n'éveillent pas, à la 
longue, une résonance profonde dans 
quelque fosse enfouie de son inconscient 
collectif. Cette modernité-là se révèle 
înauthentique du fait qu'elle ne peut 
pas arraisonner dans le temps un projet 

fondateur qui crée un espace, c'est-à- 
dire un projet qui crée un style, un sens 
nouveau à la vie par où les hommes 

puissent s'élancer à l'assaut d'un nouveau 
destin, dans le jaillissement d'une nouvelle 
puissance. Ecoutons HEIDEGGER : un 
peuple "ne se fera un destin que si d'abord 
il crée en lui-même une résonance, une 
possibilité de résonance pour ce destin, 
et s'il comprend sa tradition d'une façon 
créatrice". Cette modernité d'apparence, 
née de l'étrange, du bizarre, dure le 
temps que dure l'effet d'un choc, c'est- 
à-dire le temps d'un désordre, d'une 
incohérence, le temps d'un ahurissement. 
C'est le cas de bien des modes et de 
bien des snobismes qui sont beaucoup 
plus les résidus de phénomènes totalitai- 
res et universalisants - phénomènes de 
déculturation - que les premiers ébats 
d'une quelconque modernité. L'originali- 
té, en effet, c'est-à-dire la modernité, 
sourd toujours de l'organique, de l'enraci- 
né à proportion inverse de l'insolite, 
propriété de tous et de personne, sans 
attaches donc sans impulsions, digne 
de toutes les curiosités mais d'aucune 
estime, sans origine où pouvant s'arrai- 
sonner, donc voué au vagabondage et 
à la désintégration. 

Pierre KREBS. 

Fondateur du Thule-Seminar (Kassel). 

VV\AAIVVVVV\AAAI\AIVVV 

In tiefer Sorge um die Zukunft Europas 
haben sich beherzte Europaer in einem 
Arbeitskreis zusammengefunden . Im Rahmen 
des THULE-SEMINARS w ollen sie die 
Bewusstwerdung der persdnlichen und 
gesellschaftlichen Identittit anregen, um 
auf der Grundlage des volklichen Plura- 
lismus zu einer Neufestsetzung der euro- 
pàïschen Werte zu gelangen y deren Be- 
hauptung , Festigung und Ausbreitung die 
Voraussetzung filr das Uberleben unserer 
europaischen Kultur ist . Diese steht im 
Begriffy zwischen den aussereuropaischen 
Mahlsteinen zum Mbrtel einer seelenlosen 
Einheitswelt zerrieben zu werden ; 
THULE-SEMINAR e.V . 

Postfach 41 04 03 
D-3500 KASSEL. 





NOUS AVONS LU., 



LA MORT VOLONTAIRE AU JAPON 



Dans les milieux qui se veulent intel- 
lectuels, on a peu ou pas parlé de l'ouvra- 
ge de Maurice PRINGUET sur la mort 
volontaire au Japon. Bernard PIVOT 
n'a pas cru bon de l'inviter à une de 
ces soirées télévisées inimitables et 
intitulées "Apostrophes". Bref, l'intelli- 
gentsia n'a pas fait fête à cette étude. 
Raison de plus pour la lire mais raison 
insuffisante. Un tel livre nous amène 
à découvrir non pas la chronologie d'une 
tradition mais plus profondément la péren- 
nité d'une des valeurs les plus essentiel- 
les des peuples : le droit à mourir selon 
son choix. Choix aristocratique s'il en 
est et, qui plus est, maintes fois condamné 
par les autorités ecclésiastiques. 

Le titre du premier chapitre ("Le harakiri 
de Caton") nous donne le ton de tout 
le livre. Pour PINGUET, la question 
de la "mort volontaire" relève d'une 
double problématique : celle de l'homme 
face à son destin et celle des conceptions 
du monde déterminant le jugement sur 
l'acte suprême de liberté. Il s'agit donc 
d'un problème éminement culturel. Le 
chapitre traitant du suicide de Caton, 
prétexte à une analyse de la conception 
traditionnelle païenne face au suicide, 
relie sans aucun doute le code d'honneur 
des samourai japonais et celui de l'aristo- 
cratie indo-européenne antique. 

Il n'y a pas, au fond, de différence de 
nature entre le code traditionnel des 
guerriers japonais depuis l'époque Kamakura 
(Xllème siècle) et l'idéologie indo-euro- 
péenne de la classe des seigneurs et 
des guerriers. Déjà, l'Antiquité connait 
cette césure entre l'école traditionnelle 
(en l'occurrence les Cyniques et les 
Stoïciens) févorable aux libertés aristocra- 
tiques, dont le mode de suicide, et les 
écoles qui, selon PRINGUET, inspireront 
la condamnation augustinienne (Pythago- 
riciens, Platoniciens, Péripatéticiens). 
Cette différence de jugement sur la 
"mort volontaire" n'est pas pour PRINGUET 
une simple divergence, de nature accessoi- 
re. Il écrit : "L'essentiel est que le Japon 
ne s'est jamais privé par principe de 
la liberté de mourir". Ajoutant dans 
la phrase suivante : "Sur ce point, l'idéolo- 
gie occidentale s'est montrée constam- 
ment réticente". 

En quelques mots, l'auteur nous permet 
de bien mesurer l'importance de l'enjeu. 
Face à "l'idéologie occidentale" (de l'école 
pythagoricienne à la prohibition radicale 
du suicide par le christianisme), il existe 
un courant traditionnel pour qui la mort 
volontaire est un acte positif et noble. 



En mourant, écrit PRINGUET, Caton 
a voulu aussi provoquer la renaissance 
des principes qui mouraient avec lui 
(pensons à MISHIMA...). Cette mort 
marque une rupture dans l'histoire de 
l'Antiquité: l'art de mourir, jusqu'alors 

tenu comme la plus belle preuve d'un 
courage raisonnable (tempestiva mors) 
devient un acte de lâcheté, condamnable 
à plusieurs titres. Le christianisme, au 
Concile d'Arles (452), parlera de diabolico 
persecutus furore. Plus largement d'ailleurs, 
cette liberté de mourir individuelle, 
qu'exaltera Sénèque, s'appuie sur une 
conception aristocratique des libertés 
publiques. Par là même, PINGUET resitue 
avec justesse la question dans un contexte 
plus large, celui de la culture d'un peuple. 
Le despotisme d'un seul Dieu, maître 
de l'univers et de la vie, se conjuguera 
avec une Cité de Dieu intolérante et 
totalitaire. L'art de bien mourir y est 
suspect, dans la mesure où il est une 
contestation brutale et ouverte de l'ordre 
du "Souverain Bien" (chez Platon), de 
Dieu lui-même (chez Augustin). Comment 
accepter le suicide qui amoindrit le capi- 
tal divin ? Question que ne soulève pas 
le shintoïsme, religion immanentiste. 
Pour PINGUET, le Japon s'oppose à l'Occi- 
dent, comme, pour nous, l'Europe peut 
s'opposer à ce même Occident. Il écrit : 
"A la tendance universaliste de l'Occident 
platonicien ou chrétien, s'oppose le plura- 
lisme japonais (ou "païen", pourrions- 
nous ajouter...), à nos doctrines de la 
transcendance répond un phénoménisme 
instinctif et primordial qui ne reconnaît 
d'autre absolu que le monde sensible" 
(p.20). Pour le Japonais, élevé dans la 
religion de ses pères, "le temps est d'em- 
blée l'être et tout être est temps". Ce 
mot du philosophe japonais Dogen se 
rapproche, pense PINGUET, de ceux 
prononcés par Pindare, Héraclite et 
Nietzsche 1 Intuition profonde et remarqua- 
ble que nous faisons nôtre. 

Il serait trop long de présenter toutes 
les richesses de ce livre, qui doit être 
lu non pas tant pour la puissance de 
ses visions inter-culturelles (la découverte 
par PINGUET de la parenté entre philoso- 
phie présocratique et religion nationale 
japonaise et, partant, de l'opposition 
naturelle de l'une et de l'autre à l'Occi- 
dent) que pour la richesse des références 
de l'auteur qui puise indifférement dans 
les deux traditions : indo-européenne 
(qui plus est, Nietzsche est très souvent 
cité 1) et extrême-orientale. Un grand 
livre, qui confirme notre attachement 
à nos racines. Celles de notre tradition, 
celles d'une vraie noblesse de l'esprit. 
Plus proches de Yukio MISHIMA que de 
BHL, nous le sommes sans doute aussi. 



A.S. 

Maurice PINGUET, La mort volontaire 
au Japon, Paris, Gallimard, 1984, 150FF. 

<VVVVVVVVNAIVVVVWVV 



LES HOMMES AU MIUEU DES RUINES 



Enfin, la réédition tant attendue du grand 
classique de Julius EVOLA, Les Hommes 
au milieu des ruines, est sortie de presse 
grâce aux efforts conjugués des éditions 
Pardès et Trédaniel. Dans ce livre, bible 
politique de la droite dite "traditionnel- 
le" d'Italie et de France dans les années 
60 et au début des années 70, Julius 
EVOLA proposait à ses lecteurs une 
doctrine de l'Etat, une vision à la fois 
révolutionnaire et conservatrice du politi- 



que. La révolution suggérée par EVOLA, 
dans Les Hommes au milieu des ruines, 
est une révolution avant tout métapoliti- 
que : il nous exhorte à rejeter tout un 
fatras idéologique, toute une panoplie 
de slogans creux qui ont fait des années 
55 à 75 un désert pour la culture politique, 
qui ont consacré ces deux décennies 
du boom industriel au règne du mesquin 
esprit de calcul, du pur quantitativisme, 
privilégiant le profit immédiat, le court 
terme au détriment de l'immémorial 
et du long terme. Après cette phase 
"métapolitique", les institutions dérivées 
du fatras idéologique dénoncé par EVOLA 
suivront le même chemin : vers le dépotoir 
de l'histoire. L'exagération dans le culte 
du profit immédiat, que nous offre le 
néo-libéraiisme, sera indubitablement 
le chant du cygne des idéaux quantitati- 
vistes. 

Le conservatisme proposé par EVOLA, 
dans Les Hommes au milieu des ruines, 
est précisément, comme dans toute son 
oeuvre, de renouer avec les fondements 
de cet immémorial qu'il appelle la Tradi- 
tion. Pour retrouver cette Tradition, 
nous devons simultanément redécouvrir 
l'idéal "organique", dénoncer la "démonie 
de l'économie" et la médiocrité du mental 
bourgeois. EVOLA nous offre là une 
critique conservatrice, puisant aux sources 
de la vision impériale européenne du 
Moyen Age, du totalitarisme, du bonapar- 
tisme, du machiavélisme, de l'histori- 
cisme et du militarisme. Sous le signe 
de son option résolument "gibeline", 
EVOLA casse au marteau tous les "ismes", 
idoles d'une ère tristement sociologique, 
d'une ère sans profondeur, d'une ère 
amnésique et fière de l'être. 

Par rapport à la première édition françai- 
se des Hommes au milieu des ruines 
(Les Sept Couleurs, Paris, 1972), Trédaniel 
et Pardès ont ajouté quatre textes supplé- 
mentaires en annexe, dont "Le Mythe 
Marcuse" et "L'engouement maoïste" 
où EVOLA critique la superficialité des 
révoltes "hippy" et soixante-huitarde 
ainsi que l'exotisme niais et têtu qui 
faisait de la Chine de Mao le totem 
sacré des révolutionnaires musclés. Mais 
dans sa critique EVOLA ne niait pas 
la nécessité ni la légitimité d'une révolte. 
Ce qui le distingue de tous les conserva- 
teurs chiasseux. 

B.E. 

Julius EVOLA, Les Hommes au milieu 
des ruines, Traduction française revue, 
corrigée et complétée par Gérard Boulan- 
ger, Pardès/Guy Trédaniel, Puiseaux/Pa- 
ris, 1984, 281 pages, 85 FF. 

Ce livre peut être commandé à notre 
"service librairie" au prix de 600 FB , 
port inclus . Pour détails supplémentai - 
res, voir à la page 12 de ce numéro . 




Jacob Taubes (Hrsg.) 

Religionstheorie 

und 

Poütische Théologie 




Wilhelm Fink Verlag 
Ferdinand Schoningh 



THEOLOGIE POLITIQUE 



Sur la couverture: une reproduction de 

l'édition latine du Léviathan, "figure 
représentant le dieu mortel, au corps 
faits d'hommes, figure à laquelle nous 
devons paix et protection sous le regard 
du Dieu immortel" (HOBBES). Der Fürst 
dieser Welt (= Le Prince de ce monde) 
est le premier volume d'une collection 
prestigieuse qui explorera l'océan quasi 
insondable de la "théologie politique". 
L'éditeur reste modeste : il avoue ne 
reconnaître aucune terre fixe dans cet 
océan, autrement dit aucun socle méthodo- 
logique solide pour cerner cette discipli- 
ne, aujourd'hui largement évacuée des 
programmes de sciences-po'. Dès l'abord, 
avec pareil avertissement, le lecteur 
risque d'abandonner l'ouvrage à la poussiè- 
re des bibliothèques, de le percevoir 
comme une tentative vaine, prétentieuse 
et inutile. La première chose qu'il con- 
vient de faire, pour lui faciliter l'accès 
de ce monde aussi étrange que fascinant, 
c'est de définir ce qu'est la "théologie 
politique". 

Première définition 

La Stoa, déjà, distinguait aux côtés de 
la théologie physique et de la théologie 
mythique, une théologie politique, chargée 
de répondre à une question fondamentale : 
"Quels dieux le citoyen moyen doit-il 
honorer pour le compte de l'Etat et 
quels actes sacrés, quels sacrifices doit- 
il consentir ?". Dans cette optique, il 
s'agit des composantes théologiques et 
cultuelles de l'Etat, que l'on retrouve 
aujourd'hui encore, sous une forme édulco- 
rée, dans la "civil religion" américaine. 

Deuxième définition 

"Théologie politique" est un concept 
forgé en 1922 par Cari SCHMITT dans 
un ouvrage portant le même titre. Le 



troisième chapitre du livre commence 
par une phrase-clef : "Tous les concepts 
marquants des doctrines modernes de 
l'Etat sont des concepts de la théologie 
qui ont été sécularisés". Quant au premier 
chapitre, il commence par une phrase 
tout aussi déterminante : "Est souverain, 
celui qui décide de l'Etat d'exception". 
SCHMITT opère là un parallèle entre 
le miracle, qui transgresse, par définition, 
les lois de la nature, et l'intervention 
du souverain dans l'ordre du droit en 
vigueur au sein d'un Etat. Catholique 
(ou plutôt "catholisant"), SCHMITT, en 
se réclamant des philosophes politiques 
contre-révolutionnaires (XVIIIème et 
XIXème siècles) et surtout de l'Espagnol 
Donoso CORTES, réintroduit, dans le 
discours intellectuel sur le politique, 
l'antithèse théologique opposant immanen- 
ce et transcendance. 

Dans le sens où l'entend Cari SCHMITT, 
la "théologie politique", c'est le retour 
des concepts et des représentations théolo- 
giques dans la pensée politique concrète. 
La tâche du politologue sera alors de 
repérer les "théologies cachées" qui 
truffent les discours théoriques sur le 
politique. Toute approche scientifique 
de la démocratie relève ainsi, selon Cari 
SCHMITT, du domaine de la théologie 
politique. 

Troisième définition 

Aujourd'hui, tout un éventail de doctrines 
et d'idéaux se proclament être des "théolo- 
gies politiques". Des auteurs allemands 
comme METZ, MOLTMANN, GOLLWITZER, 
SôLLE, les théologies dites de la "Révolu- 
tion" ou de la "Libération", etc. veulent 
justifier par la théologie, par des argu- 
ments théologiques, des engagements 
politiques divers. Les sceptiques, quant 
a eux, voient, dans ces spéculations, 
"un conformisme pour le futur où régnera 
la prochaine répression" (Odo MARQUARD). 

Le volume édité par Jacob TAUBES 
vogue entre ces trois formes de théologie 
politique. Il ressemble à ces "mélanges" 
offerts à l'occasion d'anniversaires de 
professeur d'université. Parmi les textes 
rassemblés, on trouve une brève évoca- 
tion de Fritz LEIB, un théologien "com- 
pagnon de route" de STALINE ; une analyse 
de la vision constantinienne d' AUGUSTIN ; 
une recherche sur Hans BLUMENBERG 
et PETERSON (deux auteurs abordés 
par SCHMITT dans "Politische Théologie 
II", recueil de répliques à son ouvrage 
de 1922) ; une étude sur KIERKEGAARD, 
etc. Le volume ne comprend que des 
fragments d'analyse, sans fil conducteur, 
puisque les collaborateurs de TAUBES 
ne cherchent pas à construire ensemble 
une théologie politique. 

Seule exception, Odo MARQUARD, qui 
nous définit une théologie politique du 
polythéisme. L'actuelle philosophie de 
l'histoire, avancée par les "révolution- 
naires" (ou plutôt les penseurs révolution- 
naires en chambre) n'est qu’un mono- 
théisme sécularisé, un monomythe, un 
récit à conter à tous et à chacun. Avant 
1750, écrit MARQUARD, il existait 
plusieurs récits qui, par un processus 
de "singularisation"se sont mués en un récit 
unique auquel personne ne peut plus 
se soustraire. "La philosophie révolution- 
naire de l'histoire est, sur le mode mono- 
mythique, le monothéisme politique actuel. 
Il est l'auto-corroboration non plus d'un 
seul empereur (ou monarque) mais d'une 
seule histoire, d’une seule révolution". 
Et à côté de cette unique philosophie 
de l'histoire se serait opéré un "retour 



du refoulé", c'est-à-dire une recherche 
de la "polymythie" perdue, recherche 
qui se révèle dans l’orientalisme du XIXè- 
me siècle et dans le culte naïf et agressif 
voué à la Chine de MAO et au Vietnam 
d'HO CHI MINH chez les gauchistes 
d’il y a dix ans. Un cheminement des 
Hafis à Ho Chi Minh... Si l'orientalisme 
est, pour MARQUARD, une impasse, 
il s'est quand même jeté les fondements 
d'un polythéisme politique éclairé et 
sérieux, comme, par exemple, le système 
de la séparation des pouvoirs. Ce système 
correspondrait au monde d'Homère, où 
les dieux comme les Princes grecs, sont 
des oligarques. Le polythéisme est dès 
lors un oligothéisme qui, contrairement 
au monothéisme orgueilleux et sûr de 
lui, peut mettre son propre déclin en 
perspective. 

Notre époque, toutefois, a scellé l'assomp- 
tion du pluralisme authentique et inauguré 
l'âge de l'intégralisme où, tant sur le 
plan théologique que sur le plan politique, 
l'on n'a plus le choix qu'entre le monopo- 
le et la "commune", entre César et le 
"royaume de LA Liberté", entre les adeptes 
de l'autocratie et les libéraux. Dans 
le domaine de la théologie politique, 
jadis espace intellectuel quasi réservé 
aux contre-révolutionnaires (surtout 
catholiques), s'affrontent aujourd'hui 
"libéraux" et "révolutionnaires de gauche". 
Les adeptes de Joseph de MAISTRE, 
de BONALD, de Donoso CORTES et 
de Cari SCHMITT, résolument campés 
ailleurs, regardent le spectacle de ce 
pugilat et lisent attentivement le livre 
édité par TAUBES. 

L'intérêt de cette lecture, c'est de se 
plonger dans un univers étranger aux 
préoccupations macabrement juridiques 
ou stupidement économistes qui font 
de la politique théorique un pensum diffi- 
cile à s'administrer. L'univers des théolo- 
gies politiques nous permet de prendre 
distance vis-à-vis des obsessionnels du 
statu quo et de leurs platitudes. 

Caspar von SCHRENCK-NOTZING. 

Jacob TAUBES (Hrsg.), Der Furst dieser 
Welt, Cari Schmitt und die Folgen, Band 
I der Reihe "Religionstheorie und Politische 
Théologie", Ferdinand Schoningh/ Wilhelm 
Fink Verlag, Paderborn/München, 1983, 
321 pages, 78 DM. 



GUILLAUME D'ORANGE 



En Belgique, système totalitaire et perni- 
cieusement liberticide plutôt qu'Etat 
de droit ou "commonwealth" d'un peuple 
libre, il existe quelques rares espaces 
de liberté. Nous souhaitons, dans la mesure 
de nos très modestes moyens, en être 
un, tout simplement en refusant de pren- 
dre en considération les tares multifor- 
mes de ce système, en en dressant quelque 
fois un bilan grinçant. 

L'écrivain anversois Roger AVERMAETE 
est à lui seul un havre de liberté. Avec 
une insolence calme, il dénonce le jeu 
des partis, de la mafia politique, le sinistre 
guignol des nominations où, toujours, 
le détenteur de la carte du parti X dans 
la région Y (ou du parti Y dans la région 
X) est privilégié par rapport à l'homme 
qui est tout simplement, trop simplement 
compétent. 

Mais sa verve, AVERMAETE ne la tire 
pas d’un dégoût naturel et spontané des 









Au-dessus : portrait de Guillaume d'Orange dit le Taciturne (de Zmjger). A gauche, 
une carte qui illustre le début de la scission des Grands Pays-Bas . En noir, l'Union 
d'Arras, acquise à l'Espagne. En blanc, l'Union d'Utrecht acquise à Guillaume d'Orange. 
En hachuré, les zones disputées. En pointillé, la Principauté de Liège qui ne participait 
pas au conflit, ne relevant pas de la Couronne d' Espagne. A gauche, une carte des 
Pays-Bas en 1549, montrant leur diversité linguistique. Cette carte est extraite du 
livre de Geoffrey Parker, The Dutch Revoit , Penguin , 1979. 



7 



veuleries politiciennes belges ; il la tire 
d'une véritable conscience historique. 
Auteur en 1944 d'un ouvrage d'histoire, 
Les Gueux de mer et la naissance d'une 
nation, qui retraçait l'épopée de ceux 
qui, sur mer, avaient lutté âprement 
contre la criminelle soldatesque catholi- 
que envoyée par le Roi d'Espagne pour 
nous imposer ces turpitudes cléricales 
qui n'ont hélas pas encore cessé de vivre 
en parasites sur notre corps social, Roger 
AVERMAETE a saisi toute l'importance 
historique de cette époque troublée, 
désastreuse pour les Pays-Bas Méridio- 
naux. Cette période fut un désastre car 
elle a imprimé, de manière indélébile, 
un esprit de démission dans les cervelles 
des habitants de ces provinces qui, en 
1830, allaient devenir la Belgique. Dans 
des propos livrés à brûle-pourpoint au 
Crapouillot ("Edition Belge", n°2, octo- 
bre 1983), il disait : "... Référez-vous 
à l'histoire. A l'époque des dix-sept 
provinces, on aurait pu aboutir à un 
résultat, mais les catholiques ont tout 
fichu en l'air. Si on avait lutté contre 
les Espagnols, l'histoire aurait pu prendre 
une tournure différente. Le sud a laissé 
tomber les armes, tandis que les provin- 
ces du nord ont tenu bon. Le régime 
espagnol, ensuite tous les autres jusqu'au 
hollandais, voilà ce qui continue à peser 
sur nous. C’est cette empreinte qui nous 
rend moutonniers. Se moquer de l'occu- 
pant, c'est délicieux. Mais on ne combat 
pas. Cet état d'esprit vient tout droit 
de notre formation politico-religieuse; 
aussi n'insistera-t-on jamais assez sur 
l'influence des catholques. Leur intransi- 
geance a toujours pesé et continue à 
peser sur notre vie politique. Même aujour- 
d'hui on ne peut discuter avec les Catholi- 
ques que lorsqu'ils doivent composer. 
En conclusion, j'avancerais ceci: sous 

la domination espagnole, les meilleurs 
d'entre nous sont partis. Les moutons 
sont restés. Nous sommes, nous, les 
descendants des moutons. Que pourrions- 
nous faire d'autre qu'une politique mouton- 
nière ?". 

C'est là tout le sens de l'oeuvre historique 
d’AVERMAETE. Les éditions Payot de 
Paris ont eu l'heureuse initiative de 
rééditer son Guillaume d'Orange (1939) 
à l'occasion du quatre centième anniver- 
saire de l'assassinat (10 juillet 1584), 
par un catholique fanatique du nom de 
Balthazar GERARD, de ce Prince qui 
fut, pour les Pays-Bas, le "Père de la 
Patrie". Nous en recommandons chaleureu- 
sement la lecture, à une époque où l'histoi- 
re n'est plus exemplative mais tristement 
quantitative, où elle ne cherche plus 
à raviver des potentialités historiques 
mais où elle s'enfonce dans la compilation 
de détails para-historiques sans importan- 
ce. Le Guillaume d'Orange d' AVERMAETE 
est le réci't d’une rébellion exemplaire 
que, devenus trop lâches, nous n'osons 
plus imiter. Une rébellion dont nous 
ne ressuscitons plus l'esprit contre nos 
oppresseurs actuels : catholiques, libéraux, 
américanolâtres, socialistes francolâtres 
et pseudo-fédéralistes et profiteurs oppor- 
tunistes de l'espèce si bien décrite par 
2INOV1EV. 

La réédition du livre d'AVERMAETE 
est sans doute la seule initiative prise 
en "Belgique romane" pour commémorer 
le quatrième centenaire de la mort tragi- 
que de Guillaume d'Orange. En revanche, 
dans le mouvement flamand, presqu’aussi 
peu connu dans ses assises intellectuelles 
en Wallonie et en France que la religiosi- 
té des indigènes de Papouasie, les rappels 
historiques, les hommages au Taciturne 
se sont succédés tout au long de cette 



année 1984 : notre rédaction a reçu succes- 
sivement un Willem van Oranje de Walter 
BRI3S (Oranjejeugd, 1983), ensuite, plu- 
sieurs textes dans le Zannekin Jaarboek 
6, revue prestigieuse que nous avons 
déjà évoqué dans ces colonnes (Cf. VOU- 
LOIR n°5, p.8) et un numéro spécial, 

fort bien documenté, de la revue Diets- 
land Europa (1984 nr. 8/9, aug./sept. 
1984). Dans ces trois publications, on 
distingue deux tendances historiogra- 
phiques nettement différentes. 

La première cherche à démontrer l'indé- 
fectible unité des Dix-Sept Provinces 
au-delà des clivages linguistiques. L'autre 
démontre que la scission de ces Dix- 
Sept Provinces est due essentiellement 
aux différences de mentalité entre ressor- 
tissants des provinces de langue germani- 
que (thioise) et provinces de langues 
romanes (wallones et picardes). Cette 
querelle historiographique a eu des retom- 
bées en notre siecle où, avant-guerre, 
des cercles nationalistes flamands pen- 
chaient pour une historiographie "groot- 
nederlandsch", c'est-à-dire une historiogra- 
phie qui cherchait à distinguer deux 
communautés de destin, l'une thioise, 
l'autre romane. L'historien néerlandais 
GEYL appartenait à cette tendence. 
Parallèlement au courant "grootneder- 
landsch", d'autres milieux mettant égale- 
ment en cause l'historiographie officiel- 
le belge, comme le VERDINASO de Joris 
VAN SEVEREN, tentaient de prouver 
et de justifier une communauté de destin 
identique aux provinces romanes et aux 
provinces thioises de l'ancien "Cercle 
de Bourgogne" du Saint-Empire. 

Cette querelle d'ordre historique est 
consubstantielle au mouvement flamand 
et aux cercles, cénacles et sociétés 
de pensée qui ont mis en cause l'orienta- 
tion trop latine (et, ipso facto, trop 
catholique et trop méridionale) et trop 



"française" de l'historiographie belge 
officielle. Elle n'a pas cessé et, surtout, 
ne s'est pas limitée aux seuls mouvements 
nationalistes. Une longue étude s'avérerait 
nécessaire pour classer toutes ces tendan- 
ces, pour les accrocher aux options philo- 
sophiques plus conventionnelles (catholique, 
libérale, socialiste) du monde politique 
belge. Une chose est toutefois certaine : 
le mythe populiste, qui préside incontesta- 
blement les deux historiographies alterna- 
tives que nous mentionnons, traverse 
tout le corps social flamand et trouve 
quelqu'écho chez de rares auteurs franco- 
phones. Le nationalisme populiste demeure- 
ra envers et contre toutes les pesanteurs 
idéologiques, qu'elles soient catholiques, 
libérales ou socialistes. C'est à ce nationa- 
lisme populiste qu'appartient l'avenir. 
Laissons donc aux intellectuels flamands 
et aux rares spécialistes wallons ou fran- 
çais, conscients de cet enjeu, le soin 
de trancher dans la querelle, de choisir 
leur option. Bornons-nous à exposer les 
points de vue de chaque protagoniste 
du débat. 

Walter BRUS appartient au clan de ceux 
qui considèrent l'ex-Cercle de Bourgogne 
(ou Dix-Sept Provinces) comme un tout 
indivisible. BRIJS est de ceux qui déplo- 
rent le démembrement des Pays-Bas 
entre cinq Etats (Pays-Bas, Belgique, 
Luxembourg, France, RFA). La conclusion 
de son opuscule exprime clairement 
son option. Pour lui, Guillaume d'Orange 
est un exemple, tant sur le plan humain 
que sur le plan politique. La personnali- 
té de Guillaume d'Orange incarne un 
modèle de tolérance et de ténacité ; 
elle incarne l'harmonie de ces deux vertus 
souvent inconciliables. Le Prince d'Oran- 
ge nous enseigne, par-delà les siècles, 
à ne pas agir, en politique, par sectarisme 
idéologique et à ne pas, d'emblée, considé- 
rer ses propres opinions comme seules 
valables. Selon Guillaume d'Orange, 





écrit BRIJS, la politique est la résultante 
d'un enchevêtrement de courants d'idées 
très différentes. Etre "taciturne", c'est 
se mettre à l'écoute de cette diversité. 

Sur le plan politique, l'exemplarité du 
Prince tient à sa qualité de rassembleur 
des Dix-5ept Provinces en un seul Etat 
moderne. Le rassemblement de cette 
diversité reposait sur deux institutions: 
le "Raad van State" ("Conseil d'Etat") 
et les "Staten-Generaal" (les Etats-Géné- 
raux). Le Raad van State représentait 
les provinces tandis que les Staten-Gene- 
raal étaient l'assemblée où germaient 
les décisions des provinces. C'est là, 
pour BRIJS, l'idéal parfait du fédéralisme 
qui, par essence, est fédérateur et non 
diviseur comme l'est aujourd'hui le "fédéra- 
lisme" proposé par les politiciens belges. 
Ce fédéralisme-là, ou, plutôt, ce pseudo- 
fédéralisme, est la division d'un Etat 
en plusieurs morceaux, division décidée 
d'en haut, depuis des cénacles sans prise 
sur la réalité économique et où la conscien- 
ce historique brille par son absence. 
La fédération rassemble en un faisceau 
des communautés naturelles, le pseudo- 
fédéralisme divisionnaire crée des micro- 
étatismes de substitution qui parachèvent 
le processus de morcellement des Dix- 
Sept Provinces en cours depuis le XVIème 
siècle. BRIJS estime que la Belgique 
subit ce processus de division parce qu'elle 
est basée sur de faux principes qu'il 
convient de remplacer par des principes 
plus réalistes et plus organiques. La 
haine ne peut engendrer ces principes. 
Seules la lucidité et la clairvoyance 
le peuvent. 

L'opuscule de BRIJS n'insiste pas sur 
les réactions différentes à la Réforme 
et à la politique du Prince d'Orange 
enregistrées dans les provinces romanes 
et dans les provinces thioises. Il estime 
la situation trop complexe et découvre 
dans chaque espace linguistique des adver- 
saires et des partisans du Prince et de 
la confession calviniste. Devant l'avance 
victorieuse des troupes espagnoles, ses 
partisans "romanophones" fuient et s'instal- 
lent en Hollande, en Allemagne et essaime- 
ront jusqu'en Angleterre, en Prusse et 
en Suède. Seuls attentistes et adversai- 
res demeureront dans les provinces roma- 
nes. 

Le rôle joué par les provinces romanes 
dans les événements du XVIème siècle 
constitue l'objet d'âpres discussions parmi 
les historiens du mouvement flamand. 
Si BRIJS appartient à la tradition qui 
souhaite un modus vivendi entre Wallons 
et Flamands au sein d'une confédération 
"bénéluxienne" et refuse toute perte 
de territoire supplémentaire, tout morcel- 
lement futur, les éditeurs de Dietsland 
Europa envisagent l'avenir de leur peuple 
dans une entité exclusivement thioise, 
regroupant Néerlandais du Sud (Flandre 
belge) et du Nord (Pays-Bas actuels). 
Face à ce bloc thiois ("diets") que devien- 
dra la Wallonie ? Bert VAN BOGHOUT, 
rédacteur en chef de la revue, estime 
que c'est aux Wallons de choisir entre 
trois options : 1) devenir une mini-républi- 
que condamnée à la misère^ sociale et 
au sous-développement économique; 

2) devenir le Xieme département d'une 
France "à moitié africanisée" (sicl); 

3) choisir un modus vivendi avec une 
Flandre qui entend conserver une autono- 
mie totale, garder Bruxelles, rejeter 
toute forme de solidarité "belge" et 
protéger les Flamands émigrés en Wallo- 
nie. Le moins qu'on puisse dire, c'est 
qu'il ne se trouvera que fort peu d'hommes 
politiques wallons pour admettre l'une 



ou l'autre de ces trois solutions. VAN 
BOGHOUT condamne le "revival" de 
l'idée "bourguignonne" des Dix-Sept Pro- 
vinces indivisibles, même si, dans l'histoi- 
re, on observe une indiscutable convergen- 
ce entre ces duchés, comtés et autres 
principautés. Cette convergence est 
cependant vieille de quatre ou cinq siècles. 
Réalisée par des ducs français (bourgui- 
gnons en l'occurrence), cette convergence 
a renforcé, dit VAN BOGHOUT, la franci- 
sation, donc l'aliénation, de la population 
des territoires thiois, processus qui a 
pris fin il n'y a que quinze ou vingt 
ans. 

Reste un problème historique à résoudre: 
si Guillaume d'Orange est le "père de 
la patrie" néerlandaise, sa politique n'a 
pas toujours été exempte d'erreurs straté- 
giques. Le Prince, à un moment donné, 
a entrevu la possibilité d'une collaboration 
militaire avec la France, moyennant 
la rétrocession de territoires appartenant 
aux Pays-Bas. Quant aux nobles wallons 
et picards, siégeant aux Etats Généraux, 
ils ont fini par adopter une politique 
hostile à Guillaume qui, à leurs yeux, 
laissait trop de latitude aux calvinistes 
d'Anvers et de Gand qui suggéraient, 
comme Thomas Muntzer en Allemagne, 
une "république égalitaire". Surnommés 
"malcontents", ces nobles créeront l'Union 
d'Arras, anti-calviniste, qui passera rapide- 
ment sous contrôle espagnol : ils ne vou- 
laient ni le révolutionarisme social calvi- 
niste, qui mettait leurs privilèges en 
danger ni, et cela VAN BOGHOUT ne 
le dit pas, Fannexion à la France, jugée 
"ennemie héréditaire" en Hainaut même 
si, à Liège, elle est la "mère protectrice" 
des Wallons. Hennuyers et Principautai- 
res n'ont pas la même opinion quant 
au passé et à l'avenir de la Wallonie 
alors que le nationalisme flamand forme 
un bloc plus homogène, même si "libre- 
pensée" et "catholicisme" s'y querellent 
quelques fois. 

Les "Malcontents" wallons, artésiens 
et picards du XVIème siècle ont choisi 
la carte espagnole, ont choisi le Plan 
d'Alexandre FARNESE, général du roi 
d'Espagne, que l'historien "belge unitariste" 
Léon van der ESSEN (in : Alexandre Farnè- 
se et les origines de la Belgique moderne 
1545-1592, Office de Publicité, Bruxelles, 
1943) désignait comme le fondateur 
réel de la future Belgique, puisqu'il avait 
reconquis les provinces thioises des Pays- 
Bas méridionaux. La Belgique est, et 
par là nous retrouvons la pertinence 
d'AVERMAETE, une création essentiel- 
lement cléricale, un espace gagné de 
force à la Contre-Réforme. 

Rob van ROOSBROECK, historien brillant 
et rédacteur à la fois de Dietsland Europa 
et du Zannekin Jaarboek 6, récapitule 
le^ paysage géopolitique de ce XVIème 
siècle et nous révèle les projets annexion- 
nistes des Français et des Anglais aux 
dépens des Dix-Sept Provinces. Orange 
aurait souhaité une alliance militaire 
avec les Princes protestants d'Allemagne 
du Nord, de façon à lancer une attaque 
massive contre les armées "papistes". 
Mais les Princes luthériens haïssaient 
les calvinistes révolutionnaires que le 
Prince d'Orange ménageait, fidèle à 
son sens du^ compromis et à son respect 
des diversités. Résultat: les princes alle- 
mands le laissent tomber, scellant là 
la scission définitive entre les Pays-Bas 
et le reste du Reich, officialisée par 
les traités -de 1648 (Cf. VOULOIR n°7). 

"J'y suis contraint" dira Guillaume d'Oran- 
§e, en jouant la carte française, Anjou 
étant lui aussi ennemi de la Couronne 



d'Espagne. L'Angleterre élizabéthaine 
cherche d'abord à conjurer l'alliance 
franco-écossaise (Marie Stuart) et craint 
que la Flandre, fief français jusqu'à 
Charles-Quint, ne devienne base de départ 
d'un assaut» français contre le Kent. 
Elizabeth 1ère et son ministre BURGHLEY 
préféraient voir les Espagnols en mauvaise 
posture en Flandre que d'y savoir les 
Français sûrs d'eux-mêmes et solidement 
implantés. Ni l'Empire (catholique et 
allié de l'Espagne comme les "Malcontents") 
ni les Princes luthériens ni l'Angleterre 
n'auraient admis l'annexion de territoi- 
res relevant du Cercle de Bourgogne 
au Royaume de France. Dans le cas 
d'une défaite totale des Espagnols, l'ambas- 
sadeur anglais WALSINGHAM prévoyait 
et craignait une partition du Cercle 
de Bourgogne, où la Flandre et l'Artois 
retourneraient à la France, la Hollande 
et la Zélande deviendraient en compensa- 
tion protectorats anglais et le reste, 
relevant de l'Empire, resterait à Guillau- 
me d'Orange. La neutralité des Pays- 
Bas et de la Belgique du XIXème siècle 
est le fruit d'un accord tacite des puissan- 
ces périphériques, accord où l'Angleterre 
tire le meilleur profit puisque seuls de 
petits Etats faibles contrôlent les côtes 
qui lui font face et le delta Rhin/Meuse/ 
Escaut. Du XVIème siècle à 1914, on 
perçoit la continuité de la politique anglai- 
se. 




Portrait d'Alexandre Famèse . Carte de 
la reconquête des Pays-Bas contre VEspaqnol 
( 1590 - 1607 ). 








Mais au fonds, Français, Anglais et Améri- 
cains d'aujourd'hui ne verraient pas d'un 
si mauvais oeil la désagrégation du Béné- 
lux. Le mouvement flamand nous livre 
une histoire des régions de l'actuel Béné- 
lux qui échappe aux triomphalismes sim- 
plets des cénacles officiels, une histoire 
qui raisonne très justement en termes 
de rapports de force. C'est la raison 
de s'y plonger, d'en apprendre les rouages, 
indépendamment des options qui s'offrent 
à l'historien, qu'elles soient "grootneder- 
landsch" ou "bourguignonnes". Chacune 
de ces options souligne des possibles, 
des virtualités, des intentions qui ne 
meurent pas malgré des défaites histori- 
ques tangibles. 

S.H. 

Roger AVERMAETE, Guillaume d'Orange 
dit le Taciturne 1533-1584, Paris, Payot, 
1984, 255 p., 90 FF. 

(Pour situer le XVIème siècle dans le 
contexte global de l'Histoire de "Belgi- 
que" selon AVERMAETE , il convient 
de lire sa Nouvelle Histoire de Belgique, 
Editions Jacques Antoine , Bruxelles, 
1983 , 588 p., 800 F B. Tout l'humour 

corrosif d' AVERMAETE est présent dans 
cet ouvrage sublime l) 

Walter BRIJS, Willem van Oranje 1533- 
1584, Oranjejeugd, Malle, 1983, 52 p. 

Cet opuscule est disponible à notre service 
librairie au prix de 100 F B + 20 F B 
(port). 

Jaarboek Zannekin 6, Ieper, Stichting 
Zannekin, 1984, 144 p. 

Ce numéro 6 du Zannekin Jaarboek est 
également disponible à notre service 
librairie au prix de 450 FB + 35 FB (port). 
Dietsland Europa, n°8/9-1984, Were di, 
Antwerpen, 64 p. 

Disponible à notre service librairie au 
prix de 130 FB + 20 FB (port). 

WVVAA^VVVVVVVVVVVV 



Y A-T-IL UNE n SOLUTION LIBERALE "? 



Guy SORMAN, énarque, professeur d'éco- 
nomie à l'Institut d'études politiques 
de Paris, n'est pas à proprement parler 
un "théoricien du libéralisme". Il se décla- 
re plutôt simple "observateur". Premier 
fruit de ses observations : un livre intitu- 
lé La Révolution Conservatrice américai- 
ne (1983). Cet ouvrage racontait les 
mésaventures, l'évolution, l'itinéraire 
des groupuscules et des rassemblements 
plus importants quantitativement qui 
avaient donné à REAGAN sa première 
victoire électorale. Ce livre était agréa- 
ble à lire, nous livrait la toile de fond 
d'une Amérique "profonde", étrangère 
à toute forme d'intellectualité. Récem- 
ment, SORMAN a récidivé avec La solu- 
tion libérale, compilation d'anecdotes, 
qui vise à montrer ce qu'est le libéra- 
lisme réel, concret, aux USA, en Grande- 
Bretagne thatcherisée, au Japon et en 
Allemagne Fédérale. 

L'avantage stratégique que retirent les 
libéraux, en panne de théories, de ce 
livre, c'est de parler du libéralisme sans 
faire appel à la théorie. "J'ai voulu faire 
un bilan concret du libéralisme réel 
tel qu'il se pratique à l'étranger, alors 
qu'en France on parle sans expérience, 
par effet de mode d'un libéralisme théori- 
que", déclarait SORMAN au Magazine- 
Hebdo, le 7 septembre dernier. Le libéra- 
lisme "concret" de SORMAN, c'est le 
retour aux sources mandevilliennes du 
libéralisme, à une idéologie qui croit, 



dur comme fer, que le progrès, c'est 
la somme des actions individuelles sponta- 
nées, motivées par l'intérêt, que ces 
actions soient d'ailleurs des vices ou 
des vertus. 

SORMAN tire de cette vision, issue tout 
droit du XVIIIème siècle, un libéralisme 
libertaire, un spontanéisme social créateur 
et permissif, capable d'intégrer les idéaux 
de mai 68. Ce libéral-spontanéisme entend 
se passer de la classe politique, qui vit 
(grassement) des structures de l'Etat- 
Providence, qu'elle soit de droite ou 
de gauche. Quand les membres de l'ancien- 
ne majorité, en France, se revendiquent 
du libéralisme, le sien ou celui de HAYEK, 
SORMAN parle de hold-up idéologique. 
Pour lui, le libéralisme ne saurait se 
confondre avec l'absolu patronal et l'abso- 
lu politique : il ne serait alors qu'une 
réaction conservatrice sans lendemain. 
Le libéralisme de SORMAN est par essen- 
ce anti-politique et il se résume à un 
principe simple : la supériorité de l'ordre 
spontané sur l'ordre décrété. 

Le recours à la spontanéité permet beau- 
coup d'approximation, beaucoup de conclu- 
sions hâtives. C'est le reproche majeur 
que Pierre ROSENVALLON adresse au 
dernier livre de SORMAN. Après la dissolu- 
tion du marxisme primaire de notre après- 
guerre, héritier du marxisme vulgaire 
que DE MAN avait déjà exécuté en 1926, 
on assiste à la naissance de son inversion 
presque parfaite: le libéralisme primaire. 
SORMAN pose sans doute de vraies ques- 
tions, écrit ROSENVALLON, car "il 
faut^ effectivement trouver des alternati- 
ves à la crise de l'Etat-Providence, définir 
des substituts aux régulations keynésien- 
nes d'avant la crise, réduire l'opacité 
et accroître l'efficacité des services 
publics, juguler les effets pervers de 
certaines ^ politiques sociales, limiter 
les rigidités corporatives, etc." (in Le 
petit Hayek illustré, in L'Expansion, 
2/15 nov. 1984). 

Malheureusement, SORMAN n'offre aucune 
solution. Il se borne à remplacer les 
slogans keynésiens par des slogans néo- 
liberaux. "A bas l'Etat, vive le Marché 1". 
Même si son plaidoyer a-théorique est 
difficilement réfutable, à cause, précisé- 
ment, de son a-théoricité, il convient 
de rappeler quelques principes qui procla- 
ment la mort historique du libéralisme 
mandevillien, matrice de tous les autres 
depuis deux siècles, et quelques réalités 
qui prouvent que les succès économico- 
politiques américains et autres d'aujour- 
d'hui ne doivent rien aux vieilles recettes 
libérales. 

REAGAN et THATCHER n'ont pas arrêté 
la croissance de la machine étatique. 
Les dépenses sociales et militaires n'ont 
pas diminué. REAGAN pratique la vieille 
stratégie politico-économique américaine, 
dérivée des théories de CAREY, qui 
préconisaient un protectionnisme rigoureux 
en commerce international couplé à 
un libre-échangisme à l'intérieur des 
frontières.^ Dans cette optique, le politique 
prime l'économique et l'Etat se voit 
revalorisé, en dépit du discours idéologi- 
que. Le moins qu'on puisse dire, c'est 
qu'il n'y a pas disparition de l'Etat. 

Si l'on croit que les vices et les vertus 
des individus suscitent le progrès, on 
se place résolument dans une optique 
fausse : seules quelques sociétés extrême- 
ment urbanisées dévoilent une atomisation 
excessive du tissu social (Paris, Bruxelles, 
New York,...). Dans notre vaste monde, 
on constate que les sociétés économique- 



ment performantes, comme le Japon, 
sont celles où les cohésions naturelles 
(familiales, claniques, travail noir en 
Italie, etc.), religieuses ou national-reli- 
gieuses (shintoïsme, Sikhs, diasporas 
juive et grecque, Maronites) sont puissan- 
tes et permettent de faire l'économie 
d'un système de sécurité sociale rigide. 
Nos sociétés ont été disloquées par le 
libéralisme, d'essence individualiste, 
et ont donc besoin de sécurité sociale. 

L'absence de sécurité sociale ne profite 
qu'à une catégorie d'agents économiques 
que SORMAN distingue parfaitement : 
la "nouvelle race" cosmopolite qui hante 
les lieux aseptisés, sans exotisme, des 
aéroports internationaux, des hôtels, 
des sièges des multinationales, des grands 
magasins. Une nouvelle race sans coeur 
et sans racines, une nouvelle race qui 
n'a pas le temps de faire des enfants 

et qui a l'égoïsme abject de refuser 

aux autres de nourrir décemment les 
leurs, une nouvelle race sans poésie, 
toute préoccupée de chiffres et de statisti- 
ques sans fondements, ersatz des antiques 
lectures d'entrailles. Cette nouvelle 
race ne laissera guère de traces dans 
l'histoire. La crise balaiera cette engeance 
peu reluisante de spéculateurs, au profit 
de producteurs liés à un sol et à une 

communauté. Les Japonais nous démon- 
trent que les racines ne sont nullement 
des freins à l'économie. En matière socia- 
le, il y a indubitablement un obscurantisme 
libéral pour lequel tout agrégat historique 
constitue une absurdité. SORMAN tombe 
à pieds joints dans ce piège. 

Intégrer les idéaux de mai 68, pour SOR- 
MAN, c'est injecter le cosmopolitisme 
dans les moeurs. C'est prendre acte 
du Testament de Dieu en économie, 
comme B. H. LEVY et Guy SCARPETTA 
(Eloge du cosmopolitisme, Grasset, 1981) 
l'ont fait en littérature : même horreur 
des racines, même goût pour le brassage 
des hommes et des marchandises. Hélas 
quand on prend les vingt mets les plus 
délicieux et qu'on les mélange, on n'obtient 
qu'un infâme brouet. 

Se passer d'une classe politique désuète : 
bonne idée '. A la classe politique qui 
asseyait son pouvoir sur des discours 
(creux) idéologiques et moralisants, reli- 
gieux et hypocrites, ne saurait succéder 
la "nouvelle race" sans perspective d'ave- 
nir, incapable de raisonner à long terme. 
A la classe politico-idéologique succédera 
une classe politique d'ingénieurs qui 
substitueront la ^ compétence ^ et la pro- 
duction à la spéculation et à la publici- 
té et d'historiens qui opposeront la luxurian- 
te diversité de l'histoire, le sens du long 
terme, aux slogans faciles et aux "testa- 
ments de Dieu" froids et arides. Il y 
aura "lutte de types" et la "nouvelle 
race" sormanienne s'évanouira comme 
un mauvais souvenir le jour d'une fête. 



Enfin, l'approximatif et le hâtif sorma- 
niens se révèlent à la page 150 de La 
solution libérale, où SCHUMPETER est 
entrevu comme un théoricien précurseur 
du néo-libéralisme. C'est classer le grand 
économiste autrichien un peu vite. Pour 
SCHUMPETER, la lutte des classes pro- 
vient précisément de la haine que susci- 
tent les spéculateurs chez les "types" 
humains enracinés. Thorstein VEBLEN, 
sociologue américano-norvégien du début 
de ce siècle, a repris cette thèse en 
valorisant le rôle de l'ingénieur par rap- 
port à la "classe des loisirs" (leisure 
class), vivant du fruit de ses spécula- 
tions. 








10 




Portrait d'Adam Smith , 
père fondateur du libéra- 
lisme et théologien recyclé . 
Tout son système , réputé 
matérialiste , se fonde 
en réalité sur les derniers 
vestiges de la théologie 
chrétienne médiévale . 
Si le fondement de l'écono- 
mie est V égoïsme , aucune 
solidarité sociale et 
politique n'est possible . 




Autre grosse lacune de La solution libéra- 
le : trop de références américaines. L'Amé- 
rique n'est pas l'Europe. L'économie 
européenne n'a pas besoin d'une solu- 
tion américaine mais d'une solution auto- 
chtone, tenant compte de notre continui- 
té historique. Au fond, il n'y a pas de 
"solution libérale", il y a un rêve, une 
chimère libérale dont se passent aisément 
les peuples éveillés. 



M.F. 

Guy SORMAN, La solution libérale, Paris, 
Fayard, 1984, 285 p., 74 FF. 

\AAAAIVVVVVVVVVVVVV\ 



RECIPROCITE GENERALE ET n BONNE 
ECONOMIE KOLM RECIDIVE ! 



Quel est le meilleur système économique 
et social possible ? Vieille question. 
Si un livre affirme y répondre, c'est 
peut-être une raison de ne pas le lire, 
de le ranger parmi les innombrables 
traités ennuyeux et banals qui n'ont 
jamais eu d'impact. Mais quand l'inclassa- 
ble Serge-Christophe KOLM tente d'y 
répondre, avec l'appui de ses thèses 
surprenantes, on s'empressera d' ingurgiter 
le volume avec avidité. KOLM a des 
formules sobres et inactuelles: "La bonne 
société est faite d'hommes bons". La 
bonté, écrit-il, c'est de mettre en avant 
l'altruisme, la solidarité volontaire. 

Pour ce professeur français, à la fois 
économiste et philosophe, la formule 
d'avenir, c'est "Ni Plan ni Marché (du 
moins comme système principal): la Réci- 
procité". La situation naturelle des hom- 
mes, c'est de s'entraider et de se soutenir 
mutuellement. Basées sur une philosophie 
individualiste, les économies de Plan 
et de Marché créent, selon KOLM, des 
relations sociales exploitrices et aliénan- 
tes, divisant et opposant les hommes 
au lieu de les unir. Les dominations, 
les jalousies, les concurrences et les 
craintes que ces systèmes engendrent, 
ZINOVIEV (Cf. ORIENTATIONS n°l et 
VOULOIR n°7) les a parfaitement décrites 
dans son Communisme comme réalité. 
Un ouvrage à lire parallèlement à celui 
de KOLM. La Bonne Economie, c'est 
donc celle de la Réciprocité générale. 
KOLM explique, dans les 472 pages de 
son ouvrage que la Réciprocité a de 
l'avenir, grâce à la transformation du 
travail (qui ne signifie pas la disparition 
du travail). KOLM veut concilier bien- 
être et progrès, éthique et efficacité, 
performance industrielle et justice socia- 
le. 

La réalisation concrète d'une économie 
de Réciprocité passe par la diffusion 
d'une information maximale. Et "informa- 
tion" postule une connaissance approfon- 
die du mental humain, de ses faibles- 
ses et de ses possibles. "Même dans 
son état actuel, la science de l'homme 
est une mine scandaleusement inexploitée 
de savoirs factuels et analytiques utiles, 
nécessaires ou indispensables pour connaî- 
tre les possibles sociaux et comprendre, 
ou réaliser les transformations des socié- 
tés" (p. 237). Un usage efficace des scien- 
ces et des connaissances factuelles laissées 
en jachère se heurte, écrit KOLM, à 
trois scandales. Le premier, c'est l'indigen- 
ce intellectuelle de toutes les idéologies 
politiques actuelles par rapport à ce 
que la connaissance sociale permet de 
dire. Les exemples sont multiples pour 
toutes obédiences. Cela est lié à l'impor- 



tance des fonctions psychosociales de 
type religieux des idéologies par rapport 
à celle de leur rôle cognitif. Le slogan, 
ou la justification simpliste lui ressem- 
blant, y est plus prisé que l'analyse objecti- 
ve, pondérée, élaborée. L'émotion, l'élan 
commun, y ont plus d'attrait que la raison, 
quoi qu'elles en disent. L'adhésion est 
prise avec pieu de connaissances, et celles- 
ci sont alors tirées et modelées pour 
obéir aux pré-supposés, (pp. 237-238). 

Le second scandale, c'est la sous-optimi- 
sation. Cela signifie que les spécialistes 
d'un domaine, qui proposent des innova- 
tions utiles, ne le font qu'en tenant 

compte des seuls critères de leur discipli- 
ne. Le résultat n'est, faut-il le dire, 
jamais optimal. 

Le troisième scandale est la négligence 

de l'étude des sociétés possibles par 
rapport à celle des sociétés réalisées 
(présentes ou passées). En effet, aucune 

idéologie dominante ne semble admettre 
que le monde n'a réalisé qu'une petite 
partie de ses possibles. 

Nos sociétés sont une énigme, écrit 
KOLM, car toutes les grandes morales 
religieuses ou laïques préconisent l'al- 
truisme, le don, la charité, la compassion 
et condamnent l'égoïsme avec une belle 
unanimité. Pourquoi alors ces morales 
qui donnent leurs normes à des milliards 
d'individus, échouent-elles à ce point 
à les réaliser ? Pourquoi, dans une culture 
dominée, dans ses valeurs, par l'altruisme, 
sentiments et comportements égoïstes 
et processus sociaux d'échanges et de 

force qui en découlent sont largement 
plus répandus que les sentiments et com- 
portements altruistes ? 

Avant tout, nous sommes fascinés par 
l'idée -erronée selon KOLM- que l'al- 
truisme ne permet pas une économie 
productive. L'altruisme a dès lors été 
oublié des théoriciens, pour lesquels 
seul l'égoïsme est productif. La faute 
en incombe aux pères de l'économie 
libérale classique : MANDEVILLE (auteur 
de La Fable des Abeilles) et Adam SMITH 
(De la Richesse des Nations). Ces pères 
fondateurs du libéralisme estimaient 
que les égoïsmes, en cherchant leur 
satisfaction, engendraient le bien public, 
le bien-être généralisé. Adam SMITH 
était théologien au début de sa carrière 
et croyait, de ce fait, au péché originel. 
Mais, même s'il y a péché originel, s'il 
existe le mal et les égoïsmes, Dieu préside 
l'univers et veut le Bien. Donc le "mal" 



en tant que fait non réfutable, sert, 
en fin de compte, le "bien" qui est attri- 
but de Dieu, créateur et fondement 
ultime du monde. Ce schéma théologique 
et moral a été transposé dans la théorie 
économique. 

Pour KOLM, c'est parce que nous traî- 
nons, comme les bagnards leurs boulets, 
ce curieux mélange théologico-économique 
que nos sociétés ne parviennent pas 
à maîtriser la modernité. Les faits nou- 
veaux, les cultures qui sont étrangères 
à ce schéma nous opposent des "informa- 
tions" qui ne cadrent pas avec le sim- 
plisme bibliste sur lequel SMITH a basé 
son système. 

Le système de SMITH est anorganique. 
Celui de KOLM veut restituer l'organi- 
cisme. Mais ce nouveau livre d'espoir 
que nous offre KOLM manque de données 
historiques. Il y a pourtant un filon "orga- 
nique" depuis la fin du XVIIIème siècle, 
filon tantôt conservateur et nostalgique 
tantôt socialiste et révolutionnaire. L'An- 
glais Raymond WILLIAMS, professeur 
a Oxford puis à Cambridge, avait publié 
en 1958, un livre devenu "grand classi- 
que" outre-Manche, intitulé Culture and 
Society 1780-1950, où il nous montrait 
le télescopage de la nostalgie conserva- 
trice d'un BURKE, triste que la Merry 
Old England ait dû céder la pas à la 
grisaille, aux noirs corons de la civili- 
sation industrielle, et du messianisme 
d'un Robert OWEN, qui voulait extraire 
la classe ouvrière anglaise de l'uniformité 
industrielle et la ramener vers un monde 
plus fraternel. Des précurseurs de l'al- 
truisme de KOLM ? 

KOLM met entre parenthèses cette aspira- 
tion deux fois centenaire de tous les 
Européens. Des projets de "société frater- 
nelle", de phalenstères, de "communauté", 
de "mouvements de jeunesse", etc. ont 
enrichi toute l'histoire des idées sociales 
d'Europe. Voilà bien des "sociétés possi- 
bles" à étudier, des désirs à transposer 
dans le réel. 

Notre tâche, à nous, membres de diver- 
ses sociétés de pensée : coupler la théorie 
actuelle de KOLM, en prise sur les socié- 
tés bouddhiques qui fonctionnent (Cf. 
son livre Le Bonheur-Liberté, Bouddhisme 
profond et modernité, PUF, 1982), à 
l'histoire diversifiée et chatoyante des 
"alternatives organiques", où la pensée 
romantique et post-romantique allemande 



COMMUNIQUE 



11 



11 



La carte L'Europe des Ethnies ou les 
régions d'un Empire est la première 
publication du Groupe O.R.P.H.E.E. Elle 
est destinée à accompagner un ouvrage 
qui paraîtra prochainement . Ce livre, 
qui constituera donc le commentaire 
de cette carte, sera divisé en deux parties: 
la première, consacrée à la nécessité 
de l'unification européenne , présentera 
les raisons géopolitiques et historiques 
qui justifient la création d'un Etat euro- 
péen; la seconde passera en revue les 
diverses régions qui composent l'Europe 
et mettre en évidence, pour chacune 
d'entre elles, les éléments ethniques 
et culturels qui ont présidé à sa création 
et à son évolution. 

Unité et diversité de l'Europe ; tels sont 
donc les deux critères qui nous ont guidé 
dans l'élaboration de la carte que nous 
présentons aujourd'hui. 

UNITE EUROPEENNE : Comme l'indique 
clairement le Sous-titre Les Régions 
d'un Empire, il ne s'agit ici nullement 
d'une Europe atomisée en une centaine 
d'Etats indépendants, mais bien d'une 
Europe unifiée dont chaque région ethni- 
que serait une province. Il était essen- 
tiel pour nous de dessiner non seulement 
les frontières de l’Europe mais aussi 
de représenter les limites internes réelles 
de notre continent : en effet, c'était 
la façon la plus claire de signifier, dans 
notre projet, la disparition des Etats- 
Nations traditionnels. Issus du partage 
illégitime de Verdun, ces derniers ne 
nous ont apporté que ruines et malheurs, 
et ont brisé la tradition impériale qui, 



de l'Empire Gréco-Macédonien au Saint- 
Empire, en passant par l'Empire Romain 
et l'Empire Carolingien, a fondé la véri- 
table grandeur historique de l'Europe. 
En outre , nous affirmons qu'une confédéra- 
tion européenne qui laisserait subsister 
des Etats-Nations intermédiaires entre 
l'Europe et ses provinces serait inviable, 
car il n'y a pas d'exemple dans l'Histoire 
de fédération réussie englobant des Etats 
fédérés proportionnellement aussi vastes 
que la France ou l'Allemagne par rapport 
à l'Europe. Seule une fédération européen- 
ne à deux niveaux , sans intermédiaire 
entre l'Etat central et les Régions, n' hypo- 
théquerait pas l'avenir de notre conti- 
nent. 

DIVERSITE EUROPEENNE : Le projet 
envisagé ici est celui d'une Europe consti- 
tuée de 100 Régions et de 385 Sous- 
Régions. Comme cela est indiqué dans 
la Légende, les noms de régions sauf 
l'Hellade correspondent tous à une sous- 
région homonyme (par exemple : la région 
"Flandre" est composée de trois sous- 
régions : "Flandre" proprement dite, "Bra- 
bant" et "Limbourg"). 

Le titre de notre carte, L'Europe des 
Ethnies , indique bien que ce projet de 
redécoupage territorial de l’Europe repose 
sur des bases ethniques. La notion d'ethnie 
est une notion complexe ; les critères 
qui définissent tel ou tel groupe ethnique 
peuvent être soit linguistiques soit histo- 
riques. Le choix d'un de ces critères 
étant parfois difficile, certaines limites 
régionales proposées ici pourraient varier 
selon le point de vue choisi. 



Deux autres critères ont également prési- 
dé à l'élaboration de cette carte : d’une 
part, le rejet du processus d'ethnocide 
perpétré à l’encontre des ethnies régiona- 
les par les Etats-Nations jacobins, depuis 
leur création jusqu'à nos jours ; d'autre 
part, la volonté d'en revenir à la situa- 
tion ethnique de l’Europe antérieure 
aux deux Guerres Mondiales et de récla- 
mer le retour des "minorités" expulsées " 
de leurs régions, par la violence ou par 
des traités iniques, de 1915 à nos jours. 

Un tel projet peut paraître grandiose, 
voire utopique ; mais notre objectif n'est 
pas d’indiquer ici les moyens de réaliser 
cette Idée : il s'agit plutôt de suggérer 
une vision cohérente de l'Europe et de 
ses composantes. Trop nombreux sont 
ceux qui parlent de l'Europe dans l'abstrait 
sans jamais en proposer une représenta- 
tion graphique. A l'heure où les super- 
puissances se partagent le monde, il 
faut que tous ceux qui pensent réellement 
sur notre continent fournissent des armes 
intellectuelles à ceux qui voudront créer 
un Etat européen unifié et puissant. 
Il faut que nos enfants puissent dire, 
à l'aube du XXIème siècle : "Nous n'avons 
qu'une patrie, qui s’appelle l'Europe". 

Pour toute demande de renseignements 
ou commande, écrire à : 

GROUPE O.R.P.H.E.E. (= Organisme 
de Recherche Pour une Histoire de l'Euro- 
pe des Ethnies), 

Voie de l'Ardenne, 101, 

B-4920 CHAUDFONTAINE. 

Prix de la carte : 200 FB. 

Les commandes peuvent également être 
transmises au SERVICE LIBRAIRIE de 
VOULOIR. 



SERVICE LIBRAIRIE 



KOLM RECIDIVE...(suite) 



et sa notion de "Volk" (Cf. Thierry MUDRY 
in ORIENTATIONS n°5) ont toute leur 
place... 

V.G. 

Serge-Christophe KOLM, La bonne écono- 
mie. La Réciprocité générale, Paris, 
PUF, 1984, 472 p., 150 FF. 

#NAAAAA^VVVVVVVVVVVV\ 

Ont participé à la rédaction de ce numéro 
de VOULOIR : Jean E. van der TAELEN 
(Président d'E.R.O.E.), Jason HADJIDINAS 
(Recteur de l'Université d'Athènes), Pierre 
KREBS (Fondateur du Thule-Seminar), 
Ange SAM PI ER U (E.R.O.E.-Paris), Berthrand 
EECKHOUDT, Caspar von SCHRENCK- 
NOTZING (directeur de la revue Criticon 
de Munich), Serge HERREMANS, Michel 
FROISSARD, Vincent GOETHALS. 

L'article sur la neutralité annoncé dans 
notre numéro précédent paraîtra dans 
le numéro 11 qui sera expédié début janvier. 

Parmi les prochains thèmes que nous 
aborderons : l'affaire de la Grenade, la 
biopolitique, le problème des élites, Les 
idées sociales et politiques d'André Leysen, 
etc. 




Notre SERVICE LIBRAIRIE, en cette 
fin d'année, vous suggère plusieurs nouvel- 
les publications. Vous ne sauriez vous 
en passer. Passez-nous commande au 
plus vite. Nos stocks sont limités 1 



1. L'Occident comme déclin. Par Guillau- 
me FAYE. Le Labyrinthe, 85 p., 280FB/ 
15 DM. 



L'Occident ne souffre pas d'un déclin. 
Il est le déclin. FAYE inverse ici SPENG- 
LER. Sept chapitres ponctuent sa démon- 
stration. L'Occident, en tant que Cosmopo- 
lis, est un non-lieu, écrit-il. L'Occident 
n'est plus européen et l'Europe n'est 
plus l'Occident. L'Occident s'est défiguré 
en Amérique, en Californie. C'est aujour- 
d'hui la Californie qui est l'épicentre, 
l'essence de l'Occident. Pour nous, Euro- 
péens, il n'est plus que "quelque chose" 
de planétaire, sans racines et sans épais- 
seur. L'idéologie occidentale est une 
idéologie de la fin. Elle a poussé sa logi- 
que "monothéiste" jusqu'au bout. Ayant 
éliminé les "dieux", c'est-à-dire la diver- 
sité des possibles, cette idéologie ne 
peut plus satisfaire que les peureux. 
Les aventuriers, les curieux, que nous 
sommes, doivent annoncer le retour 
d'un "polythéisme" des valeurs, un "poly- 
théisme" débarrassé des absolus stérélisa- 
teurs. 

"Christopolis", l'Occident n'est même 
plus "chrétien", au sens de la religiosité 
naïve de nos peuples, celle des saints 
et des rites, figures et gestes finalement 
païens. "Christopolis" est athée, "Christo- 
polis" est désenchantée, "Christopolis" 



est la cité des idées mortes. 

"Antipolis", l'Occident entérine la fin 
du politique. Si le monde est supposé 
devenir une Super-Californie, où se cô- 
toyeraient sectaires de tous acabits, 
homos, citoyens d'écotopia, que faire 
alors du "sérieux" de la cité, où passe 
alors ce sel du monde et de l'histoire : 
le conflit ? L'évacuation du conflit, 
c'est la "mort tiède". 

Eradiquer le conflit, c'est instaurer le 
règne du déclin : le déclin de l' ici-bas 
donc le déclin de la Vie. 

Cette fin est entrevue par FAYE comme 
destin, comme destin proprement occiden- 
tal. Dans ce sens, l’expansion de ce monde 
sans conflits est l'expansion de l'Occident 
donc du déclin. 

Mais ce déclin recèle son contraire ; 
dans la phase obscure, dans le désert 
des vouloirs, un appel naîtra. L'histoire 
se regénérera. Il faut la préfigurer. 



2. Etudes et Recherches n°3. G.R.E.C.E., 
81 p., 280 FB / 15 DM. 



Dans ce numéro abordant des thèmes 
très divers, vous trouverez un texte 
de Pierre MAUGUE sur les éléments 
indo-européens et celtiques présents 
dans la légende qui illustre la fondation 
de la Suisse actuelle. Robert de HERTE 
étudie Goethe et la "préhistoire du roman- 
tisme". Il souligne ce que la personnali- 
té de Goethe a retenu du romantisme 
et ce qu'elle en a rejeté. Patrick RIZZI 
et Michel DEJUS nous présentent le 
culte hispanique du taureau depuis la 
préhistoire jusqu'à nos jours. Anne JOBERT, 
dans un article titré "Science et Progrès", 









Supplément bibliographique mensuel à 
la revue ORIENTATIONS. 

N°10 NOVEMBRE 1984. 

Prix: 50FB-7FF-2FS-2,50DM-1800Lire- 

1,25 $ Canadien. 




pour s’abonner 



tente de redéfinir le débat sur la notion 
de "progrès". Pour elle, le progrès scientifi- 
que ne peut être ramené à une accumula- 
tion de données. Le réel est polyphonique, 
évolutif mais toujours mystérieux: on 

peut penser le progrès sans finalisme, 
la causalité sans déterminisme, un chaos 
du monde sans loi et sans arbitraire. 
Robert STEUCKERS y brosse une biogra- 
phie de Henri DE MAN, le grand penseur 
socialiste anversois qui souligna les insuffi- 
sances du marxisme dès 1926 sans renier 
son combat socialiste. Guillaume FAYE 
parle des "nouveaux territoires du politi- 
que". LE politique n'est plus dans LA 
politique qui se contente de gérer mala- 
droitement l'inessentiel. LA politique, 
dans ses mécanismes, est le fruit de 
nécessités propres aux XVIIIème et XlXè- 
me siècles. Il revient donc à l'imagina- 
tion, aux débats d'idées, aux oeuvres 
d'art (cinéma, bande dessinée,...) de 
réinventer un véritable espace DU politi- 
que ou de l'annoncer, de l'incruster dans 
les cerveaux. Enfin, Alain de BENOIST 
répond à Guillaume FAYE, auteur de 
la brochure Sexe et Idéologie. Il apporte 
à cette plaquette controversée un éven- 
tail de critiques, puisées aux sources 
des grandes philosophies et sociologies 
de ce domaine: Blüher, Evola, Schelsky. 



3. Nouvelle Ecole n°41, Littérature et 
Idéologie 2, 144 p. (DIN.A4), 420 FB/ 

22 DM. 



ment. Les deux textes de FREUND et 
de FAYE sont indispensables à l'étudiant 
en sciences-po'. Les lire, c'est presque 
acquérir autant de savoir qu'en quatre 
ou cinq ans d'études. C'est se doter, 
en tout cas, d'un savoir extraordinairement 
qualitatif. Enfin, Philippe BAILLET, 
traducteur attitré d'EVOLA en France 
et grand spécialiste des religiosités orienta- 
les, bouddhiques et islamiques, analyse 
l'oeuvre de Serge-Christophe KOLM et 
nous explique l'intérêt du bouddhisme 
pour la création d'une économie de la 
solidarité et de la réciprocité. 



4. Le Retour d'Hermès. De la science 
au sacré. Par Anne JOBERT. Le Labyrin- 
the, 82 p., 280 FB/ 15 DM. 



La querelle entre sciences et religion 
cache une querelle plus fondamentale : 
celle qui oppose la religiosité du vieux 
monde européen aux dualismes stéréli- 
sants. Celle qui oppose le MYTHOS au 
LOGOS. Qui oppose le sacré profond 
au naturalisme superficiel. Anne JOBERT 
évoque la "physis" grecque et le "dévoile- 
ment" heideggerien, qu'elle oppose à 
la raison législatrice. Un essai brillant 
qui se situe résolument dans la voie 
tracée par le grand Stéphane LUPASCO. 



AUTRES TITRES DISPONIBLES 



L'abonnement à VOULOIR coûte 350 
francs belges à verser au compte BBL 
n°3 1 0-0049870-01 de Robert Steuckers. 
Pour la France, les paiements s'effectuent 
par mandats postaux internationaux exclusi- 
vement. Pour l'Allemagne, la Suisse et 
l'Italie, par mandats-postaux ou par euro- 
chèques. 

Les mandats postaux doivent être adressés 
à la fois à la revue et à Robert Steuckers. 

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de VOULOIR. Ce supplément à la revue 
ORIENTATIONS paraîtra dix fois par 
an. 



Il est désormais possible de s'abonner 
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numéros et 12 numéros de VOULOIR, 
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125 francs français). Ceux qui ont déjà 
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Notre adresse: 

ORIENTATIONS/ 

E.R.O.E.-E.K.S.O., 

BPB n°4 1 , 

B-1970 WEZEMBEEK-OPPEM. 




Editeur responsable : Robert Steuckers, 
BPB n°4l, B-1970 Wezembeek-Oppem. 



Ce numéro 41 de Nouvelle Ecole, intitu- 
lé Littérature et Idéologie 2, est le second 
tome d'une large fresque qui nous révèle 
les interactions multiples des lettres 
et des idées, de l'intuition créatrice 
et des réalités politiques. C'est Denys 
MAGNE qui se taille la part du lion 
dans ce dossier avec une étude volumineu- 
se sur Thomas MANN, écrivain allemand 
aux prises avec les "contraires" du Ilème 
Reich, de Weimar, de la Germanie hitlé- 
rienne et de la RFA américanisée. MAGNE 
insiste notamment et sur l'anti-nazisme 
de MANN et sur son hostilité à l’américa- 
nophilie d'ADENAUER. Aux yeux du 
plus important prosateur allemand de 
ce siècle, la RDA est demeurée plus 
purement germanique. Etonnante option, 
si l'on se souvient que MANN avait approu- 
vé les bombardements anglo-saxons contre 
les cités allemandes Un personnage 
plein de contradictions, celles de notre 
siècle, que Nouvelle Ecole nous fait 
découvrir. Jean ROBIN nous présente 
René GUENON, le plus "traditionaliste", 
au sens religieux, des penseurs européens 
du XXème siècle. Patrick SIMON nous 
évoque MERLEAU-PONTY dont l'oeuvre 
s'axe sur deux choses/valeurs : le regard 
et la chair. Pour SIMON, MERLEAU- 
PONTY retrouve cette philosophie non 
dualiste et implicite à l'Europe "matriciel- 
le" (Ureuropa i), philosophie qui privilé- 
gie la sensualité, la texture du visible. 
Julien FREUND, l'auteur de cet irrempla- 
çable livre, L'Essence du Politique, nous 
offre un texte de très haute valeur, 
un texte qui deviendra à coup sûr un 
grand classique de politologie: "Que veut 
dire : prendre une decision ?". La décision 
est, au-delà de la morale, des bonnes 
intentions et des idéologies, ce qui fonde 
le politique. Guillaume FAYE, quant 
à lui, nous livre le nec plus ultra de 
sa philosophie personnelle. Il nous promène 
dans le labyrinthe initiatique qu'est cette 
"problématique moderne de la raison". 
La querelle de la rationalité est en effet 
l'enjeu de tous les discours politologiques 
de ce siècle. C'est sur la base de cette 
problématique qu'en dernière instance, 
les idéologies se fondent, les décisions 
se prennent, consciemment ou înconsciem- 



La cause des peuples, actes du XVème 



colloque national 


du 


G.R.E.C.E., 210 


FB / 11 DM. 








Guillaume FAYE, 


La 


Nouvelle 


Société 


de Consommation, 


210 


FB / 


11 DM. 


Piet TOMMISSEN, 


Anti-totalitair 


Denken 


in Frankrijk (met 


"Wat 


is en 


wat wil 



de "Nouvelle Droite"?"), Eclectica, Brussel, 
159 blz., 450 BF + 30 BF (port), 23 DM 
+ 1,50 DM (Postgebühren). 

Dietsland Europa, 1984-8/9, Willem de 
Zwijger, Antwerpen, 64 p., 130 FB + 

20 FB (port), 7 DM + 1 DM (Postgebühren). 

Walter BRIJS, Willem van Oranje (1533- 
1584), 52 p., 100 FB + 20 FB (port), 

5 DM + 1 DM (Postgebühren). 

Zannekin Jaarboek 6, 144 blz. (met bijdra- 
gen van Dr. R. Van Roosbroeck, Dr. 
F. Gorissen, Dr. W. van Heutgen, enz.), 
450 FB + 30 FB (port) / 23 DM + 1,50 

DM (Postgebühren). 

Maurits CAILLIAU, Het Walenland en 
de Nederlanden, 32 p., 100 FB + 20 FB 
(port), 5 DM + 1 DM (Postgebühren). 

Julius EVOLA, L'Arc et la Massue, 277 
pages, 620 FB + 30 FB (port), 31 DM 

+ 1,50 DM (Postgebühren). 



Julius EVOLA, Les Hommes au milieu 



des ruines, 282 pages, 600 FB + 30 FB 
(port), 30 DM + 1,50 DM (Postgebühren). 




Le numéro cinq 

cf 'ORIENTA TIONS: 
150 F B.